Anja, ex-chrétienne, Allemagne (partie 3 de 4)
Description: L’intérêt pour l’islam de cette étudiante universitaire grandit sur une période de deux ans et demi. Partie 3.
- par Anja
- Publié le 23 Jun 2014
- Dernière mise à jour le 27 Jun 2014
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L’église? Il n’y en a pas. Aucune organisation, aucune hiérarchie ni sacrements. Tout musulman(e) peut prêcher, officier un mariage ou mener la prière funéraire pour un mort.
Des interprétations des écritures? Les musulmans s’entendent généralement sur les grands axes de l’islam. Dieu est Dieu et les prophètes étaient des êtres humains. Le Coran est la parole de Dieu, tout comme les livres révélés aux autres prophètes. Les anges sont réels et la résurrection est une certitude. Contrairement aux érudits chrétiens, les érudits musulmans s’intéressent surtout à l’application des principes religieux. Ils émettent des opinions religieuses en se basant sur le Coran et la sounnah (i.e. ce que le prophète Mohammed a dit, fait ou approuvé). Ces opinions sont appelées « fatwa ». Aucun érudit ne peut prétendre recevoir son autorité de Dieu Lui-même. Une fatwa réflète toujours l’opinion personnelle que s’est formée l’érudit sur la base des preuves écrites. On peut donc l’accepter ou ne pas en tenir compte.
Près d’un milliard de personnes, à travers le monde, sont musulmanes. Et l’islam n’a toujours pas perdu son pouvoir d’attraction. Le mot « islam » comprend la même racine linguistique que le mot « salam », qui signifie « paix ». Le mot « islam » vient donc du mot « paix », paix avec Dieu, avec le monde qui nous entoure et avec nous-mêmes.
J’étudiai l’islam et je finis par en acquérir une bonne compréhension. Mais je ne me résignais pas à accepter la vérité. Peut-être étais-je trop paresseuse, en ce sens que je n’avais pas envie de changer mon mode de vie. Car l’islam, c’est bel et bien un mode de vie de chaque instant. Le christianisme, par contraste, tend à s’éloigner de la réalité quotidienne des gens. La piété prête-à-porter, que l’on revêt pour le service du dimanche, est remisée tout le reste de la semaine et on n’en parle plus.
Malgré tout, je me décidai enfin à « essayer » l’islam. Je me joignis à la communauté musulmane de mon voisinage pour le jeûne du Ramadan, mois au cours duquel le musulman ne mange ni ne boit du lever au coucher du soleil. Et, chaque soir, nous nous rassemblions pour rompre le jeûne ensemble. Il nous arrivait également de cuisiner ensemble le repas. Un étudiant égyptien du nom de Mohammed se révéla un excellent cuisinier. Mohammed me prit à part à quelques reprises, durant le mois, et m’encouragea à poser des questions. J’en profitai donc pour lui poser toutes les questions qui me trottaient dans la tête et pour lesquelles il me donna des réponses plus que satisfaisantes. Durant ces soirées de rupture du jeûne, j’eus également l’occasion d’observer les autres prier. Et, une fois seule, chez moi, je tentais de répéter ce que j’avais vu; je m’inclinais et me prosternais et, comme je ne connaissais pas les paroles, j’improvisais. Parallèlement, je commençai à réduire ma consommation d’alcool et de porc. Et, un jour, j’allai même prendre une marche en ville avec un foulard sur la tête, juste pour voir comment j’allais me sentir ainsi vêtue. Enfin, j’appris pourquoi les Palestiniens, dans les résidences étudiantes, laissaient une bouteille d’eau dans les toilettes; pour les musulmans, il est préférable de se laver à l’eau après être allé aux toilettes.
Plusieurs musulmans, dans mon entourage, se demandaient pourquoi je m’intéressais à l’islam, car la plupart d’entre eux n’étaient guère pratiquants. Ils se défendaient pourtant en disant : « Bien sûr que je suis musulman! Si j’habitais dans mon pays d’origine, j’appliquerais le Coran. Mais ici, en Europe, c’est différent. Et puis, je suis encore jeune. J’ai encore du temps devant moi pour devenir pieux et plus pratiquant. » Tel était le discours que j’entendais régulièrement.
Mais il y avait tout de même quelques rares musulman(e)s qui s’efforçaient de respecter leur religion. Un de mes voisins de résidence, Mohammed (le cuisinier), faisait partie de ceux-là. Il avait un bac en biophysique, qu’il avait obtenu en Égypte, et il était venu en Allemagne pour compléter son doctorat. Lorsque je le rencontrai, la première fois, cela faisait six mois qu’il était en Allemagne et prenait toujours des leçons d’allemand à l’université.
Sa religion, c’était tout son univers. Il connaissait bien la plupart des sujets de l’islam. D’ailleurs, les autres étudiants musulmans l’appelaient « sheikh », un surnom que je trouvais étrange pour un jeune homme de 24 ans, sportif avec des cheveux bouclés noirs. Mohammed lui-même n’appréciait pas particulièrement le surnom; il sentait que cela lui mettait trop de pression sur les épaules.
Quiconque, parmi les étudiants musulmans, avait besoin d’aide ou d’un conseil allait voir le « sheikh ». Si un étudiant avait besoin d’une chambre ou encore de se rendre à l’hôpital ou même, tout simplement, de vendre ses livres usagés, il allait voir Mohammed.
Au début, notre « amitié » se développa lentement, car Mohammed s’efforçait d’être à la hauteur de l’image du musulman pratiquant qu’on lui avait collée. Il se tenait loin de tout ce qu’il considérait comme une tentation. Et, pour un musulman, les femmes appartiennent définitivement à cette catégorie. Mais il sentait également qu’il avait une responsabilité religieuse envers moi et qu’il ne pouvait repousser quelqu’un qui s’intéressait à l’islam.
Personnellement, j’aimais beaucoup discuter avec lui. J’avais rarement rencontré une personne aussi ouverte d’esprit que lui. Nous parlions d’islam et du monde en général, mais toujours dans des lieux publics. Nous apprîmes beaucoup l’un de l’autre et Mohammed devint un ami fiable pour moi.
Pendant ce temps, j’avais complètement perdu intérêt dans mes études en économie. Comme je n’y mettais plus d’effort, mes notes s’en ressentirent; alors je décidai de me réorienter et de m’inscrire aux études orientales. Je me disais que de bonnes notes dans ce domaine me seraient plus utiles que de mauvaises notes en économie. Je trouvai mes nouveaux cours fort intéressants. J’y découvris une multitude de nouveaux sujets que j’intégrai à mes conversations avec Mohammed.
C’est au cours de cette période que je me mis à soutenir de plus en plus les musulmans. J’étais de plus en plus agacée par les manières condescendantes du personnel universitaire envers les musulmans. Malgré cela, j’avais de la difficulté à m’imaginer moi-même musulmane. Je me disais que ce qui est bon pour les femmes arabes ne l’est pas nécessairement pour les femmes allemandes. Je me demandais comment une Allemande pouvait bien vivre comme une musulmane. J’avais bien sûr entendu parler d’Allemandes converties, mais je n’en avais jamais rencontré. Du moins jusqu’à quelques jours avant les vacances du printemps; je découvris alors qu’une des étudiantes qui suivait des cours d’arabe avec moi était une Allemande convertie.
Il faisait encore froid, à l’extérieur, et chaque fois que cette femme quittait la salle de cours, elle mettait sa longue écharpe de laine sur sa tête. Un jour, je lui demandai s’il y avait une autre raison que le froid qui la poussait à se couvrir ainsi la tête; elle me répondit par l’affirmative.
Heide, tel était son nom, était mariée à un musulman libanais. Lorsqu’elle s’était convertie, elle avait changé son nom pour Khadija. Elle suivait le cours d’arabe pour accumuler des crédits dans le cadre du programme d’enseignement de l’allemand langue seconde qu’elle étudiait.
J’appris d’elle qu’il y avait, dans notre ville, un regroupement de musulmanes parlant l’allemand. J’acceptai son invitation à l’accompagner à l’une des rencontres du groupe. Et, à partir de là, tout se mit à aller très vite.
Heide offrit de venir me prendre en voiture pour notre première visite au regroupement. Alors nous nous donnâmes rendez-vous quelque part en ville. Cette fois, Heide portait un « vrai » hijab, qu’elle avait drapé de manière très élégante autour de sa tête. J’avais apporté un foulard et j’étais quelque peu nerveuse. Comment serais-je accueillie en tant que non-musulmane? Quel genre de femmes allais-je rencontrer? Heide me rassura, me dit que les invitées étaient toujours bienvenues et qu’il n’était pas nécessaire que je porte un foulard pour aller à cet endroit.
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