Katherine Bullock, ex-chrétienne, Canada (partie 1 de 2)

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Description: Une femme a de la difficulté à départager entre les ouï-dire sur l’islam et ce qu’est réellement l’islam et s’interroge sur l’existence même de Dieu.

  • par Katherine Bullock
  • Publié le 30 Apr 2012
  • Dernière mise à jour le 30 Apr 2012
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Qu’est-ce que je fais ici?  Telle est la question que je me pose, le nez et le front pressés contre le sol, tandis que je suis prosternée en prière.  Mes genoux me font souffrir et les muscles de mes bras sont tendus alors que je tente de soulager la pression sur mon front.  Je me relève et j’écoute l’étrange récitation de la personne qui se tient debout, près de moi.  C’est en langue arabe et les gens, autour de moi, comprennent ce que dit la personne, mais pas moi.  J’essaie donc d’imaginer les paroles, espérant que Dieu sera bon, envers moi, musulmane depuis à peine 12 heures.  Alors voilà, mon Dieu, je me suis convertie à l’islam parce que je crois en Toi et parce que l’islam m’apparaît comme une religion sensée.  Me suis-je vraiment dit cela à moi-même?  Je me mets à pleurer.  Que diraient mes amis s’ils me voyaient ainsi, prosternée, le nez et le front contre le sol?  Ils riraient de moi, cela ne fait aucun doute.  Ils me demanderaient si je suis tombée sur la tête.  « Tu ne peux nous faire croire que tu es soudainement devenue religieuse, n’est-ce pas? »  Religieuse…  J’étais naguère une athée parfaitement heureuse, comment suis-je devenue croyante et musulmane de surcroît?  Je repense à mon passé et j’essaie de faire un retour sur mon cheminement.  À quel moment cela a-t-il commencé?  Je ne suis pas sûre de m’en souvenir, peut-être était-ce au moment où je fis la rencontre de musulmans pratiquants.  C’était en 1991, à l’Université Queen’s, à Kingston, en Ontario (Canada).

J’étais une jeune femme de 24 ans ouverte d’esprit, tolérante et libérale.  Je vis, un jour, des femmes musulmanes se promenant au International Center et je me sentie désolée pour elles.  J’avais la certitude qu’elles étaient opprimées.  Ma tristesse, pour elles, monta d’un cran lorsque je leur demandai pourquoi elles se couvraient ainsi les cheveux, pourquoi elles portaient des manches longues en plein été, pourquoi elles étaient si maltraitées dans les pays arabes… et elles me répondirent qu’elles portaient le voile et qu’elles s’habillaient de la sorte parce que Dieu leur avait demandé de le faire.  Pauvres femmes.  Et qu’en était-il du traitement qu’elles recevaient, dans les pays arabes?  Elles me répondirent qu’il s’agissait d’un problème culturel et non religieux.  Je savais qu’elles étaient endoctrinées dès leur plus jeune âge et qu’on leur avait fait accepter, à la longue, cette façon d’être traitées.  Mais je ne pus m’empêcher de remarquer qu’elles avaient tout de même l’air heureuses, qu’elles étaient sympathiques et qu’elles semblaient très sûres d’elles. 

Puis, je vis, déambulant au même endroit, des hommes musulmans.  Je tremblai intérieurement lorsque je les aperçus, je redoutai qu’ils m’attaquent au nom de Dieu.  Je revis mentalement ces images de la télévision montrant des Arabes, dans leurs pays, hurlant dans les rues et incendiant des effigies de Bush, tout cela au nom de Dieu.  Quelle sorte de Dieu doivent-ils adorer, pensai-je.  Et comment pouvaient-ils même croire en Dieu tout court?  J’étais convaincue que Dieu n’était qu’une projection anthropomorphique de nous-mêmes, faibles humains.  Mais je ne pus m’empêcher, encore, de constater que ces hommes étaient très sympathiques et respectueux et qu’il se dégageait d’eux une grande sérénité.  Ces sentiments ambivalents me tourmentaient.  J’avais déjà lu le Coran et je n’avais rien ressenti de particulier au cours de sa lecture.  C’était à l’époque de la guerre du Golfe et je me souvenais m’être demandé quel genre de Dieu pouvait persuader des hommes d’aller à la guerre, de tuer des citoyens innocents, de violer des femmes et de manifester violemment contre les États-Unis.

Je décidai de lire à nouveau le Coran, sur lequel ils prétendaient fonder leur vie.  Je commençai à lire un exemplaire de la collection Penguin classics, que je croyais être sûrement une version fiable, et je ne pus jamais le terminer tellement le texte me déplut.  On y décrivait un Paradis où se trouvaient des vierges pour hommes pieux (qu’est-ce qu’une femme pieuse pouvait bien faire d’une vierge, au Paradis?), ou encore un Dieu vengeur détruisant des cités entières.

Tout à coup, je ne m’étonnai plus que leurs femmes soient opprimées et que la télévision nous montre sans arrêt ces fanatiques brûlant des drapeaux américains.  Mais les musulmans à qui je fis part de mes réflexions semblèrent perplexes.  Leur Coran ne disait pas les choses de cette façon.  Peut-être avais-je lu une mauvaise traduction?

Soudain, la personne avec laquelle je suis en train de prier se relève.  Je me relève également, mes pieds agrippant le rebord de la longue jupe que je porte.  Je perds un peu l’équilibre, je renifle et j’essaie de cesser de pleurer.  J’essaie de me concentrer sur la prière.  Mon Dieu, je suis ici parce que je crois en Toi et parce que lorsque j’ai étudié le christianisme, le judaïsme, l’islam, l’hindouisme, le sikhisme et le bouddhisme, c’est l’islam qui avait le plus de sens.

En m’inclinant, les mains sur les genoux, je m’efforce de me rassurer.  Mon Dieu, je T’en prie, aide-moi à être une bonne musulmane.  Une musulmane!  Kathy, comment as-tu pu, toi, une femme occidentale éduquée, te convertir à une religion qui voit les femmes comme des citoyennes de seconde classe!

Mais je protestai intérieurement que les musulmans de Kingston étaient devenus mes amis, qu’ils m’avaient chaleureusement accueillie parmi eux, sans me poser de questions.  J’avais fini par oublier qu’elles étaient opprimées et qu’ils étaient des terroristes.  C’est peut-être là que tout avait commencé.  Mais j’étais encore athée, à ce moment-là.  Ou l’étais-je vraiment?

J’avais regardé le ciel étoilé et j’avais contemplé l’univers.  Et j’avais clairement senti que je dépendais d’une chose qui était beaucoup plus grande que moi.  Était-ce une conscience humaine collective?  Des étoiles, descendit vers moi un flot de paix et de tranquillité.  Pouvais-je m’arracher à ce bien-être et prétendre qu’il n’existait aucun être supérieur?  Aucune conscience plus élevée que la mienne?  Avez-vous jamais douté de l’existence de Dieu?  Telle était la question que je posais à mes amis chrétiens et musulmans.  Non, répondaient-ils.  Non?  Je m’en étonnais.

La présence de Dieu était-elle si évidente?  Pourquoi ne pouvais-je Le voir?  J’avais l’impression de devoir faire un gros effort d’imagination pour arriver à concevoir Son existence.  Un Être, là-haut, ayant un pouvoir sur ma vie.  Comment Dieu pouvait-Il écouter des milliards de personnes prier et avoir connaissance de chaque seconde de la vie de tous les êtres humains?  C’était tout simplement impossible.  Peut-être une cause première, mais un Être qui intervenait dans la vie des gens?  Et que dire des injustices de ce monde?  Des enfants qui mouraient à cause des guerres?  Un Dieu bon et juste ne pouvait permettre cela.  L’idée de Dieu n’avait aucun sens.  Il ne pouvait tout simplement pas exister.  De toute façon, nous avions évolué, alors même l’idée d’une cause première n’avait plus sa raison d’être.

Nous nous prosternons à nouveau et je suis là, à renifler et à regarder mes doigts, de chaque côté de ma tête, allongés sur mon tout nouveau tapis de prière.  Je l’aime bien, ce tapis.  Il est en velours et arbore deux de mes couleurs préférées, l’image d’une mosquée mauve sur un fond vert.  Il y a un petit chemin menant à la porte de la mosquée, qui semble m’inviter à entrer.  Cette entrée semble s’ouvrir sur la vérité.

À Kingston, je m’étais souvenue, un peu gênée, avoir déjà été très assidue à la messe.  Je dis gênée, car tout le monde sait, n’est-ce pas, que les personnes religieuses sont ennuyeuses, enclines à la sentimentalité et vieux jeu.  Pourtant, à l’époque, l’existence de Dieu m’avait semblée évidente.  L’univers n’avait, alors, aucun sens sans la présence du Créateur, qui était également omnipotent.

Quand je sortais de l’église, c’était toujours avec un sentiment de bonheur et de légèreté.  La perte de ce sentiment me pesa, tout à coup.  Il y avait donc déjà eu, entre Dieu et moi, un lien qui aujourd’hui avait disparu?  Peut-être était-ce là ce qui avait initié mon cheminement.  Je tentai de prier à nouveau, mais j’eus beaucoup de difficulté à le faire.  Les chrétiens me disaient que ceux qui ne croyaient pas en Jésus seraient damnés.  Mais qu’en était-il de ceux qui n’avaient jamais entendu parler de Jésus?  Ou des gens qui suivaient leur propre religion, autre que le christianisme?  Par ailleurs, historiquement, la femme avait toujours été considérée comme inférieure tout simplement parce que dans le christianisme, elle était censée porter le fardeau du péché d’Ève.  Pour cette raison, elle avait rarement accès à l’éducation, on lui avait longtemps interdit de voter et de posséder des terres.  Dieu était un homme abominable avec une longue barbe blanche.  Je ne pouvais absolument pas m’adresser à Lui.  Et comme je ne pouvais baser ma vie sur le christianisme, alors Dieu ne pouvait exister.

Puis, je fis la rencontre de féministes qui croyaient en Dieu, des chrétiennes qui s’avouaient féministes et des musulmanes qui croyaient que l’islam n’excusait pas du tout plusieurs choses que je croyais faire partie de leur religion.  Je me remis à prier et m’identifiai alors comme une « croyante féministe post-chrétienne ».

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