Lynda Fitzgerald, ex-catholique, Irlande (partie 3 de 4)
Description: Lynda se livre à une bataille intérieure sur le port du hijab.
- par Lynda Fitzgerald
- Publié le 13 Apr 2009
- Dernière mise à jour le 13 Apr 2009
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Changer d’emploi
Au travail, deux postes se libérèrent en juin, l’un aux ressources humaines et l’autre dans le département de l’éducation et de la formation. J’avais le choix entre les deux et les directeurs des deux départements m’invitaient à postuler pour leurs postes respectifs. Aux ressources humaines, je me serais retrouvée au cœur de l’action et au courant de la plupart des choses qui se passaient dans l’hôpital, en plus de jouir possiblement d’une hausse de salaire dans le futur. Tandis qu’à l’éducation, j’aurais été plus exposée et je n’aurais pu cacher aux gens ma conversion à l’islam, me sentant par le fait même forcée d’agir en fonction de cette évidence et de commencer à porter le hijab. Je jonglai avec ces pensées des semaines durant. Puis je décidai que je préférais me retrouver au cœur de l’action et occuper un poste influent, mais en même temps, quelque chose me retenait.
Finalement, une amie me conseilla de prier deux rakat [unités de prière] supplémentaires après ma dernière prière du soir et de demander à Dieu de me guider [ce qu’on appelle la prière de consultation, ou istikhara]. C’est ce que je fis durant plusieurs jours, mais sans résultat. Je crois que je savais, au fond, qu’il était préférable que je choisisse le département d’éducation, mais j’avais de la difficulté à prendre une décision, j’avais peur de faire face à l’opinion des autres et j’étais assaillie de pensées à l’effet que j’allais me retrouver dans une position influente si je choisissais les ressources humaines. Puis, un soir, alors que je lisais le Coran, je me mis à penser que toutes ces choses, i.e. l’argent, le pouvoir et l’opinion d’autrui, n’avaient aucune signification à mes yeux et n’en avaient jamais réellement eu. Je me demandai pourquoi j’y avais accordé tant d’importance au cours des semaines précédentes et je compris que le diable m’avait suggéré tout cela. En effet, celui-ci savait que si je choisissais le département d’éducation, j’y trouverais plus de soutien car plus de musulmans y travaillaient et ma spiritualité s’en trouverait enrichie. Je sentis que le nuage qui m’enveloppait se dissipait tout à coup et je pris enfin ma décision, c’est-à-dire celle d’aller au département d’éducation.
Porter le hijab
Après, tout se précipita. Je me mis à fréquenter la mosquée aux heures de prières et je reçus un soutien inespéré des membres du département d’éducation. Puis, mon (très religieux) patron entendit parler de ma conversion et m’encouragea fortement à porter le hijab. J’y réfléchis donc sérieusement, car je ne voulais pas le faire pour les mauvaises raisons. Je voulais le faire au moment où j’allais me sentir prête et déterminée. Puis, mon patron partit en vacances, ce qui enleva un peu de pression de mes épaules, même si je continuais d’y penser à chaque instant. J’avais de fréquentes discussions avec mes amis à ce sujet et je n’étais toujours pas convaincue que le port du hijab était obligatoire.
Un week-end, j’étais chez une amie, dans l’enceinte où nous logions, et j’y rencontrai de nouvelles filles qui venaient d’arriver. Elles étaient gentilles et je crus un instant pouvoir devenir amies avec elles; mais je me ravisai, pensant en moi-même : « Bon, de nouvelles personnes arrivent et ce sera de plus en plus difficile d’en parler ouvertement et de m’affirmer. Si elles me voient avec le hijab dès le départ, elles s’y feront et ne me poseront pas tellement de questions. » Alors je pris la décision de commencer à le porter dès le lendemain. Voici un extrait de mon journal intime :
« Je crois que je commencerai à me couvrir les cheveux dès demain. Une partie de moi crois que c’est le bon moment, tandis que l’autre me crie de n’en rien faire. J’essaie d’ignorer cette dernière. C’est si difficile... Qu’arrivera-t-il si, dès le lendemain ou la semaine suivante, je n’ai plus envie de le porter? Ou si je réalise, une semaine ou un mois plus tard, que j’ai commis une erreur? Je sais qu’une fois que j’aurai commencé, je ne pourrai plus revenir en arrière, à moins de vouloir perdre le respect de tous. Quand serai-je sûre à 100%? Quand serai-je encore plus sûre que je ne le suis en ce moment? Je dois prendre ce risque, je dois croire que si c’est ce que Dieu souhaite, alors j’arriverai à passer au travers.
« Voilà que je traverse une crise d’angoisse. À l’aide! Est-ce que je crois vraiment en cette religion? Ai-je vraiment envie d’adopter ce mode de vie? Ai-je envie de passer toutes mes soirées et tous mes week-ends seule? À l’aide! Au secours! Ô mon Dieu, pourquoi est-ce si difficile? Pourquoi suis-je ainsi? À l’âge de 29 ans, je me comporte encore comme une fillette de 5 ans. Comment suis-je arrivée à prendre des décisions, par la passé, alors que je n’arrive même pas à en prendre une dans ce cas-ci? Je ne me considère même pas comme une « bonne » personne; je dois faire de réels efforts pour arriver à être bonne ne serait-ce qu’à moitié... En ce moment, ce que je voudrais faire, c’est sortir de ce pays et rentrer chez moi, aller dans une discothèque, danser follement, me saouler, hurler, crier et chanter. Puis-je vraiment envisager passer le reste de mes jours sans boire, sans avoir d’amoureux, et contrainte à me couvrir la tête chaque fois que je dois sortir? Si Kate était ici, en ce moment, je crois que je l’appellerais et lui demanderais de me préparer un margarita. Mais elle n’est pas ici! Je crois que le diable fait des heures supplémentaires chez moi, en ce moment. Dire que les gens croient que je suis une personne raisonnable... S’ils savaient!
« Bon, bon... ça y est, j’ai pris ma décision. Je dois le faire. Au pire, je reviendrai à la raison et réaliserai à quel point je suis ridicule. Au mieux, je réaliserai que j’ai pris la bonne décision et que je suis sur la bonne voie – incha’Allah (si Dieu le veut). »
Cette nuit-là, je n’arrivai pas à fermer l’œil un seul instant. Jusqu’à la dernière minute, je me disais que je n’aurais pas le courage de le faire. Mais tout juste avant de sortir, je couvris mes cheveux d’un hijab. Depuis, je ne suis jamais revenue sur ma décision.
Je sentis que tous mes doutes s’étaient dissipés, que le diable avait lâché prise sur moi. J’étais fière et je marchais la tête haute. Je voulais que tous sachent que j’étais musulmane. Je savais que j’avais pris la bonne décision et que jamais je ne la regretterais. Soubhanallah, Dieu m’a grandement facilité les choses.
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