La laïcité et les valeurs morales
Description: En se débarrassant de la religion, les tenants de la laïcité ont emprunté une voie dangereuse menant à une dégradation morale sans fin.
- par Jaafar Sheikh Idris
- Publié le 30 Nov 2015
- Dernière mise à jour le 30 Nov 2015
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Les valeurs morales telles l’honnêteté, la justice et la pudeur, entre autres, sont des valeurs innées que Dieu a instillées dans le cœur des êtres humains. Puis, Il a envoyé des prophètes et des messagers dont le message était en accord avec cette prédisposition chez l’homme.
« Dirige tout ton être, (ô Mohammed), exclusivement vers la religion, selon la nature innée dont Dieu a pourvu les hommes à leur création. Ce que Dieu a créé ne saurait être modifié. Telle est la religion droite, mais la plupart des hommes ne savent pas. » (Coran 30:30)
Le croyant adhère à ces valeurs morales parce que sa nature, renforcée par sa foi, le pousse à le faire et aussi parce que sa religion l’y encourage en lui promettant une rétribution dans l’au-delà.
La laïcité, même dans sa forme la moins virulente – qui se satisfait de faire disparaître la religion de la vie politique et de la rejeter et qui refuse de fonder sa législation sur les valeurs morales religieuses – mine les deux fondements de ces valeurs dans le cœur de l’être humain. Dans sa forme la plus extrême, elle démolit totalement ces deux fondements et tente de les remplacer par des caprices humains – le plus souvent ceux de certains leaders politiques, comme dans les régimes dictatoriaux ou encore de la population en général, comme dans les régimes démocratiques.
« As-tu vu celui qui a choisi pour divinité ses propres désirs? Saurais-tu te porter garant de lui? » (Coran 25:43)
Comme les caprices et les désirs sont, par nature, très changeants, les valeurs et les comportements fondés sur eux le sont inévitablement. Un comportement qui, aujourd’hui, est considéré comme un crime punissable par la loi, peut devenir tout à fait acceptable dans quelques années et même, dans certains cas, louable (au point où ceux qui s’y objectent se font accuser d’être « politiquement incorrects »). Ces revirements, au sein des sociétés, qui sont causés par l’éloignement des valeurs religieuses innées, sont de plus en plus fréquents. Peu importe à quel point une société traditionnelle peut être ignorante, la plupart de ses membres maintiennent certaines valeurs innées. Mais plus une société avance dans la voie de la laïcité, plus ses membres s’éloignent de ces valeurs et plus sont considérés comme marginaux les rares qui continuent d’y adhérer et qui voient leur influence diminuer inexorablement. Avec pour résultat une société qui finit par se rebeller contre ces mêmes valeurs auxquelles elle adhérait peu de temps auparavant.
Certaines cultures traditionnelles « jahili »[1] peuvent, quant à elles, décider de maintenir certaines valeurs religieuses innées parce qu’elles correspondent à leurs désirs ou qu’elles représentent leur héritage.
« Et quand ils sont cités devant Dieu et Son messager pour que celui-ci juge entre eux, voilà que certains refusent de venir. Si, cependant, ils se trouvent avoir raison, ils accourent de leur plein gré. » (Coran 24:48-49)
Leur rapport à la vérité est semblable à celui du diable, tel que décrit par le prophète Mohammed (que la paix et les bénédictions de Dieu soient sur lui) à Abou Hourayrah, à qui le diable avait conseillé de réciter Ayat oul-Koursi[2] avant de se mettre au lit : « Il t’a dit la vérité, bien qu’il soit un menteur invétéré ».
Les sociétés laïques contemporaines sont de bons exemples de la nature ambivalente et contradictoire des civilisations « jahili ». D’un côté, elles considèrent la culture et les valeurs sur lesquelles elle repose comme un phénomène changeant et relatif. D’un autre côté, elle définit certaines valeurs comme des valeurs « humaines », considère choquante leur violation et châtie sévèrement ceux qui en sont coupables. La source de ce problème sont deux principes fondamentaux sur lesquels reposent les sociétés laïques démocratiques. Le premier est la règle de la majorité comme norme pour ce qui est bien et mal dans le discours et dans le comportement. Le deuxième est le principe de liberté individuelle. Ces deux principes ne peuvent faire autrement que d’entrer en conflit l’un avec l’autre s’ils ne sont pas soumis à un autre principe qui servira d’arbitre entre eux. De par sa nature, la laïcité rejette la religion et la notion même de fitrah (valeurs innées), qui sert pourtant de critère pour ce qui est bénéfique ou nuisible pour l’humanité. Elle n’a pas d’autre alternative que de faire de ces deux principes une norme absolue servant à distinguer les comportements appropriés de ceux qui ne le sont pas. Les contradictions entre ces deux principes sont à la source de certains problèmes chaudement débattus dans certaines sociétés. Ceux qui, par exemple, préconisent l’acceptation de l’homosexualité et le fait d’accorder aux homosexuels des chances et des droits égaux dans toutes les sphères, incluant dans le service militaire, fondent leur opinion sur le principe des droits individuels et s’indignent que des personnes émettent une opinion sur l’orientation sexuelle de certains. Le même argument est avancé par les défenseurs de l’avortement. On les entend souvent dire, incrédules : « Comment peut-on enlever à une femme le droit de choisir ce qui lui convient et de prendre une décision concernant son propre corps? De quel droit les autorités s’immiscent-elles dans une affaire aussi personnelle? » Et l’argument de leurs opposants se résume au fait que l’avortement va à l’encontre des valeurs de la majorité. Même si une majorité base son opposition à l’avortement sur des valeurs morales ou religieuses, elle peut difficilement le mentionner ouvertement, car la société laïque ne trouve pas ces valeurs acceptables. Si nous acceptons que nos valeurs n’aient pas de fondement en dehors du fait qu’elles proviennent de ce que pense la majorité et qu’elles peuvent donc changer d’une société à une autre et d’une époque à une autre, c’est que nous ne voyons pas de lien entre elles et ce qui peut nous être bénéfique ou nous causer du tort ici-bas et dans l’au-delà. Cela signifie que nous considérons toutes les valeurs comme égales et qu’il nous importe peu que certaines valeurs soient acceptées ou rejetées par telle ou telle société.
Mais cela signifie, par ailleurs, que tous les comportements considérés comme odieux par les sociétés laïques d’aujourd’hui – tels l’abus sexuel d’enfants et le viol – ne le sont que parce que la majorité les trouve odieux et qu’ils pourraient, dans le futur, devenir acceptables sur la base des libertés individuelles. La raison pour laquelle les gens ayant rejeté la religion deviennent confus lorsqu’on évoque devant eux de telles situations est que leur répugnance face à elles n’est pas basée sur les deux principes mentionnés plus haut. La vraie raison est que leur répugnance découle des valeurs morales qui leur ont été instillées par Dieu, à leur naissance, et qui subsistent en dépit de leur athéisme. Peut-être que la confusion de l’athée augmenterait encore si on lui demandait pour quelle raison il a accordé la préséance à ces valeurs démocratiques pour en faire la norme à partir de laquelle sont jugées toutes les autres valeurs. S’il répond que c’est purement par préférence personnelle ou par chauvinisme culturel, il ne saura que répondre si on lui met sous le nez les contradictions dans ses préférences ou si on lui démontre que les normes de sa société diffèrent de celles d’autres sociétés. Le fondement fragile sur lequel reposent les valeurs dans les sociétés laïques fait en sorte que celles-ci peuvent se retourner contre ces valeurs à n’importe quel moment.
Cela leur ouvre aussi la voie à un retour vers l’occupation et la colonisation des nations plus faibles. Rien ne les en empêcherait, à partir du moment où l’un d’eux se lèverait pour annoncer qu’il y aurait un avantage nationaliste à le faire et qu’une majorité se range derrière lui. Sa proposition deviendrait vite une politique officielle, sur la base de l’approbation générale. Mais il ne s’agirait, évidemment, de rien d’autre que d’une approbation basée sur la convoitise, laquelle servit de justification à toutes les transgressions de l’histoire. En fait, c’est la motivation pure de tout animal qui en attaque un autre.
Il est donc clair que les libertés individuelles et la règle de la majorité ne sont pas réellement les valeurs fondamentales sur lesquelles se fonde la culture laïque. Car la liberté implique d’avoir le choix, mais quiconque a le choix a besoin d’une norme lui servant de critère dans sa sélection ou ses décisions. De même, l’opinion de la majorité n’est pas une norme en soi; elle est le résultat d’une multitude de choix individuels faits sur la base d’une norme quelconque. Alors quelle est la base sur laquelle sont fondés les choix d’un individu libre et d’une société libre au sein d’un système laïque? Il s’agit, sans l’ombre d’un doute, de ces caprices et désirs qui ont remplacé la véritable Déité.
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