La mosquée (partie 1 de 2): Plus qu’un lieu de prière
Description: Regard sur l’histoire des mosquées et sur le rôle qu’elles ont joué dans l’expansion de l’islam.
- par Aisha Stacey (© 2017 IslamReligion.com)
- Publié le 23 Jan 2017
- Dernière mise à jour le 19 Aug 2021
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La mosquée, ou masjid, en arabe, est un lieu familier dans plusieurs pays du monde. En terre d’islam, les mosquées sont connues comme des bâtiments à l’architecture unique et à l’ambiance apaisante. Grâce au phénomène de globalisation, la plupart des gens savent, aujourd’hui, que la mosquée est un lieu d’adoration, un lieu où les musulmans accomplissent leurs prières. Mais la mosquée est bien plus que cela. Dès le départ, elle a toujours comblé de nombreux besoins.
L’administrateur colonial écossais, aussi orientaliste et chrétien évangélique, Sir William Muir (1819-1905), fut, durant plusieurs années, le principal spécialiste occidental de l’islam en dépit du fait qu’il était critique envers cette religion. Mais dans son ouvrage intitulé The Life of Mahomet (La vie de Mohammed), publié en 1852, il décrit le rôle de la mosquée dans la société musulmane. Même de la part d’un homme comme lui, nous comprenons, selon sa description, que la mosquée a toujours été bien plus qu’un lieu d’adoration.
« Bien que constituée de matériaux bruts et de dimensions négligeables, la mosquée de Mohammed est glorieuse dans l’histoire de l’islam. C’est là que le Prophète et ses compagnons passèrent le plus clair de leur temps. C’est là que le service religieux quotidien, avec ses prières récurrentes, fut publiquement établi et que la congrégation se rassemblait tous les vendredis, écoutant avec révérence et émerveillement des messages venus des cieux. Et c’est là que le Prophète planifia ses victoires et qu’il recevait les représentants diplomatiques des tribus vaincues et contrites et qu’il prononçait des décrets… »[1]
En l’an 622, immédiatement après la migration de La Mecque à Médine, les musulmans construisirent la « Mosquée du Prophète » et le Prophète lui-même participa aux travaux. C’est à partir de ce moment que la mosquée devint le point central de toute ville musulmane. Elle devint un lieu de prières, un lieu de rencontre, un lieu d’éducation, un lieu d’activités sociales et un lieu pour se recueillir. Elle devint également le centre de la vie sociale, politique et culturelle. Il y a cependant un rôle que la mosquée ne remplit pas : il est interdit d’utiliser la mosquée comme un lieu de transactions commerciales.
Au départ, des villes et des villages étaient souvent contruits autour d’une mosquée, laquelle était le centre de la vie quotidienne. Des prières y étaient accomplies cinq fois par jour et les gens de la place y entendaient les dernières nouvelles, soit à travers les sermons de l’imam, soit par les divers groupes de personnes réunies à l’intérieur comme à l’extérieur de la mosquée.
À travers l’histoire de l’islam, la mosquée a joué un rôle majeur dans l’expansion de l’islam et l’éducation des musulmans. Partout où l’islam fut accepté, des mosquées furent établies. On y enseignait (aux hommes comme aux femmes, aux garçons comme aux filles) non seulement à réciter le Coran et à comprendre l’islam, mais aussi à lire, à écrire et à débattre. L’éducation à travers les mosquées est une tradition établie par le prophète Mohammed. Sa mosquée était une école et une auberge pour les pauvres et les voyageurs.
« Il est rare de trouver une autre culture où la vie littéraire jouait un rôle aussi important qu’en islam. L’acquisition du savoir, i.e. le monde de l’intellect, intéressait plus que tout les musulmans… Le monde qui évoluait au sein des mosquées se propageait à l’extérieur de celles-ci et laissait sa marque partout dans les cercles d’influence. »[2]
En l’an 859, une université fut établie dans la mosquée Qarawiyin sise dans la ville de Fès, au Maroc. Plusieurs la considèrent comme la plus ancienne université du monde. Elle comprenait trois bibliothèques, contenant des livres sur des sujets aussi divers que la religion, la science et les langues. On y donnait des cours sur divers sujets tels la grammaire, la rhétorique, la logique, les mathématiques, l’astronomie, l’histoire, la géographie et la chimie.[3]
Non seulement les mosquées étaient-elles l’endroit parfait pour l’éducation, elles abritaient souvent un tribunal islamique. Des juges et des juristes répondaient aux besoins légaux de la communauté en plus d’émettre des avis légaux et de faire des recherches. Parce qu’il y avait très peu de bureaucratie, les tribunaux étaient efficaces et, la plupart du temps, les plaignants et les accusés se défendaient eux-mêmes. Les interprétations légales étaient laissées à la discrétion des juges, qui s’efforçaient de prendre des décisions basées sur le Coran et la sounnah. La mosquée marocaine Qarawiyin est un parfait exemple d’une mosquée au centre de la vie sociale et de l’acquisition du savoir, tout comme la mosquée Al-Azhar, en Égypte, qui continue, à ce jour, à exercer une influence sur la vie quotidienne des Égyptiens.
Dans plusieurs endroits, la mosquée devint également une source d’eau potable. L’islam demande aux croyants de faire leurs ablutions avant de prier et c’est pourquoi, dans la cour de plusieurs mosquées, on retrouvait des fontaines. Ces fontaines décoratives finirent par faire partie du décor des mosquées, tant dans le monde arabe qu’en Andalousie. La mosquée Sultan Ahmed, à Istanboul, et la mosquée Cordoba, en Espagne, en contiennent de splendides exemples. Les puits et les fontaines, dans les mosquées, servent à nettoyer le corps et à rafraîchir l’air et, par le passé, à fournir de l’eau potable à la communauté locale.
Les mosquées ont toujours été la pierre angulaire de la communauté musulmane. Il est rare qu’elles n’aient servi qu’à prier; elles jouaient le plus souvent le rôle de centre communautaire. Les gens y allaient pour prier et pour s’éduquer, pour régler des litiges et pour visiter la bibliothèque. Ils y allaient pour se recueillir et pour se reposer dans un lieu calme et sécuritaire. Les mosquées servaient également d’auberge pour les pauvres et les indigents. Traditionnellement, elles ont aussi toujours distribué de la nourriture et des vêtements aux gens dans le besoin. Elles ont enseigné à des générations entières à lire et à mémoriser le Coran. Elles étaient un lieu de rencontre, où l’on s’échangeait les dernières nouvelles des environs.
Les mosquées jouent-elles encore tous ces rôles? Quel est le rôle de la mosquée au 21e siècle? Nous répondrons à ces questions dans le deuxième article.
Note de bas de page:
[1] The life of Mahomet from original sources (La vie de Mahomet, à partir de sources originales) 2nd abridged one-volume ed. 1878, 624 pp. London: Smith, Elder, & Co. P177
[2] J Pedersen: The Arabic Book (Le livre arabe), Tr. Geoffrey French, Princeton University Press; Princeton, New Jersey, 1984.
La mosquée (partie 2 de 2): Le rôle de la mosquée au 21e siècle
Description: Les mosquées doivent faire face aux défis du 21e siècle en reprenant les rôles originaux qu’elles occupaient au sein des communautés musulmanes.
- par Aisha Stacey (© 2017 IslamReligion.com)
- Publié le 23 Jan 2017
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Tel que nous l’avons appris dans l’article précédent, dès les débuts de l’islam, la mosquée a été la pierre angulaire de la communauté musulmane. Elle n’était pas qu’un lieu d’adoration, surtout quand on sait que la majorité des endroits, sur terre, à l’exceptions de quelques-uns, peuvent être utilisés comme lieux de prières. En effet, des bâtiments particuliers ne sont pas obligatoires pour prier. Le prophète Mohammed (que la paix et les bénédictions de Dieu soient sur lui) a dit :
« Toute la terre fait office de mosquée (ou lieu de prière) et un moyen de purification pour moi. Alors peu importe où se trouve une personne de ma oummah[1] lorsque vient le temps de prier, qu’elle prie. » [2]
Il faut donc comprendre que la mosquée est bien plus qu’un simple lieu couvert où prier. C’est bien sûr un lieu où les musulman(e)s de tous âges et nationalités se rassemblent pour prier, 5 fois par jour. Il y a dans cela un message sur l’importance de rester unis, comme une seule nation. Et cette unité est particulièrement importante au 21e siècle, car plus que jamais, la nation musulmane est désunie et éparpillée partout à travers le globe.
Mais le temps et les circonstances apportent souvent des changements et certains changements furent apportés au rôle des mosquées au cours de l’histoire. Au fur et à mesure que les communautés grandissaient, elles avaient besoin de plus d’un puits, plus d’une école, plus d’un marché et plus d’une mosquée. De nombreuses mosquées furent alors construites, mais la plupart d’entre elles ne devinrent que des lieux de prière. Les plus grandes mosquées continuèrent de remplir leurs divers rôles, cependant, et c’est toujours le cas, de nos jours, dans la plupart des pays musulmans. Les choses sont toutefois différentes en Occident; même si les musulmans y possèdent parfois leurs propres magasins, restaurants et écoles, ce ne sont pas des endroits qui maintiennent vraiment l’identité musulmane. Seule la mosquée locale peut faire cela.
C’est dans la mosquée que le musulman garde sa spiritualité vivante, qu’il raffermit son lien avec son Créateur, qu’il rencontre ses coreligionnaires et discute avec eux, ce qui lui apporte un sentiment d’appartenance. Mais de nombreuses mosquées, de nos jours, ne servent qu’à la prière et à rompre le jeûne durant le Ramadan. Mais si toutes les mosquées reprenaient leurs rôles originaux et qu’elles reprenaient leur place au sein des communautés musulmanes, elles pourraient apporter de grands changements sociaux et amener les non-musulmans à réévaluer leurs points de vue sur l’islam. Pour être au cœur d’une société musulmane bien en vie, les mosquées doivent faire face aux défis provoqués par la mondialisation du 21e siècle.
Il y a d’abord le défi d’offrir une atmosphère accueillante. Pour être efficaces et utiles aux communautés musulmanes, les mosquées du 21e siècle doivent savoir ouvrir leurs portes à tous les membres de ces communautés, comme savaient le faire les toutes premières mosquées. Les femmes, les mères avec de jeunes enfants, les vieillards, les jeunes, les pauvres, les sans-papiers et les non-musulmans qui s’intéressent à l’islam devraient trouver, dans la mosquée, un lieu accueillant. Les mosquées auxquelles on fait souvent référence, en Occident, comme à des centres islamiques pourraient abriter, par exemple, une cafétéria, un gymnase pour les jeunes, une bibliothèque avec ordinateurs, des salles de classe, un magasin halal et une garderie afin que les parents puissent profiter de tous ces services sans avoir à se soucier de leurs enfants. Ces mosquées pourraient également apporter une aide aux personnes dans le besoin. Elles devraient, en bref, devenir les points centraux des communautés musulmanes, des lieux accueillants pour tous.
À travers le monde musulman, de nombreuses mosquées sont devenues des lieux d’attraction touristique. Elles sont connues pour leur architecture et leurs ornements particuliers, mais il est triste de constater que celles qui sont les plus visitées ne sont plus utilisées comme lieux de prière et de recueillement. Les innombrables petites mosquées que l’on retrouve dans chaque quartier de la plupart des pays asiatiques ou moyen-orientaux ne sont guère accueillantes pour les non-musulmans, les touristes et les femmes. Dans les grandes villes, des centres islamiques ont été établis pour voir aux besoins des non-musulmans ou des nouveaux convertis. En ce qui concerne la zakat et autres charités, elles sont désormais prises en charge par des fondations; elle est loin l’époque où les petites mosquées veillaient au bien-être de leurs communautés. Par ailleurs, un problème récurrent que l’on retrouve dans les mosquées du monde musulman comme du monde occidental est la place qu’elles offrent aux femmes. Nous avons tous vu, à un moment ou à un autre, les pancartes indiquant aux femmes d’entrer par la porte arrière, laquelle mène le plus souvent à un sous-sol sale et poussiéreux. Enfin, il y a également l’attitude des musulmans eux-mêmes : de nombreux non-musulmans qui souhaitaient entrer dans une mosquée ont été rebutés par des groupes d’hommes attroupés devant la porte principale.
Au cours de leurs recherches précédant la production du documentaire Unmosqued, les producteurs ont découvert des statistiques troublantes sur les mosquées d’Amérique du Nord. Elles sont souvent sous-financées et manquent cruellement de personnel. Bien que les fidèles musulmans soient plus nombreux que ceux des autres religions à se rendre dans leur lieu d’adoration, le budget des mosquées équivaut à moins de la moitié du budget des autres temples religieux. Seuls 44% des imams sont embauchés à temps plein et payés. La moitié des mosquées n’ont pas de personnel à temps plein. Seules 3% des mosquées considèrent les cours offerts aux nouveaux musulmans comme une priorité.
Il semble donc que les défis pour les mosquées du 21e siècle, dans le monde occidental comme dans le monde oriental, soit de faire de ces endroits des lieux plus inclusifs. À l’époque du prophète Mohammed, il n’était pas rare que des sans-abris dorment dans la mosquée pendant que des affaires d’État étaient discutées dans une pièce adjacente. Malheureusement, de nos jours, les portes de la plupart des mosquées sont verrouillées entre les prières.
Un bel exemple d’une mosquée du 21e siècle qui a su allier tradition et modernité est la mosquée Sheikh Zayed Grand Mosque Centre, qui a ouvert ses portes en 2008 aux Émirats Arabes Unis. Elle est aménagée selon des normes modernes et elle abrite une grande bibliothèque totalement informatisée qui sert à la recherche et à l’acquisition du savoir. Des événements sociaux et culturels y sont organisés, incluant des séminaires, des conférences, des expositions et des cours sur la récitation du Coran, sur l’architecture islamique, la calligraphie et la syntaxe arabes. Dans un esprit traditionnel, cette mosquée reflète une compréhension de la religion basée sur le respect, découlant de la croyance selon laquelle l’islam est une religion d’amour et de tolérance. Cette mosquée est un espace humanitaire accueillant pour tous les visiteurs.
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