Eric Schrody, ex-catholique, USA (partie 1 de 2)
Description: Interview avec l’ancien chanteur de rap Everlast sur son cheminement vers l’islam. Partie 1.
- par Adisa Banjoko (interviewer)
- Publié le 08 Dec 2008
- Dernière mise à jour le 14 Dec 2008
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La musique rap a souvent été influencée par l’islam. De groupes comme Public Enemy, qui chantent leur respect pour la Nation de l’islam, à des artistes comme Q-Tip of a Tribe Called Quest qui se convertissent à l’islam, cette religion semble être un thème récurrent dans le genre, tant dans les paroles de chansons que dans la vie de ceux qui les chantent. Un autre artiste, Eric Schrody, mieux connu sous le nom d’Everlast, s’est récemment converti à l’islam.
Bien qu’Everlast ait commencé sa carrière musicale en faisant du rap, il a récemment montré une autre facette de son talent, à la fois plus profonde et plus diversifiée. Il en fait la démonstration dans son dernier album, Whitey Ford Sings the Blues, dont le ton plus réfléchi et philosophe nous laisse entrevoir l’influence que l’islam a maintenant sur sa vie.
Ce qui suit est une interview dans laquelle Everlast parle de son cheminement vers l’islam et des défis auxquels il doit maintenant faire face en tant que musulman.
AB : Parle-moi de la première fois où tu as entendu parler de l’islam.
E : C’était probablement vers la fin des années 80. J’étais copain avec Divine Styler (un chanteur rap populaire de Los Angeles). Il sortait petit à petit de sa période 5% (qui fait référence à la secte pseudo-islamique « la nation des dieux et des terres ») et il s’intéressait de plus en plus au véritable islam. Il vivait avec une famille musulmane, la famille Bachir. Abdoullah Bachir était en quelque sorte son mentor et allait plus tard devenir le mien. Pendant que Divine Styler vivait cette transition, je faisais partie de son entourage et c’est ainsi que j’en entendais parler de temps à autre.
J’essaie de me souvenir à quel moment exactement j’ai pris conscience pour de bon qu’il s’agissait de l’islam. Je crois que c’est lorsqu’un des amis de Divine s’est converti et que j’étais présent. Je l’ai entendu dire : « J’atteste qu’il n’y a pas d’autre dieu qu’Allah et que Mohammed est Son serviteur et messager. » Et je me souviens m’être dit : « Qu’est-ce que c’est que ça? Je suis Blanc; suis-je censé être ici? » J’imagine que c’était tout simplement de l’ignorance. Car ici, aux États-Unis, l’islam est souvent considéré comme une religion de Noirs. Mais quelqu’un me fit remarquer qu’il y avait un nombre élevé de musulmans Blancs dans le monde. J’en fus étonné, car je n’en avais jamais entendu parler.
AB : Ressens-tu une pression supplémentaire en tant que musulman Blanc vivant aux États-Unis?
E : Je ne pense pas à cela à grande échelle. Pour moi, l’islam est une chose personnelle. Allah est le dieu de tout l’univers et de tous les hommes. L’islam, c’est ma relation personnelle avec Dieu; alors nul ne peut mettre plus de pression sur moi que je ne peux m’en imposer moi-même. Quant à la mosquée où je vais habituellement prier, je ne me suis jamais sentie aussi bienvenu; j’y suis à l’aise comme chez moi. Je ne me rappelle d’aucune mosquée que j’ai visitée où je ne me suis pas senti à l’aise. À New York, par exemple, la mosquée est immense et tant de gens la fréquentent, mais personne ne vous regarde étrangement ni ne vous remarque, même. Je me souviens y avoir vu des Chinois, des Coréens, des Espagnols, etc, ce qui m’a tout de suite mis à l’aise, car à la mosquée que je fréquente habituellement, je suis le seul Blanc (bien qu’il y ait quelques femmes blanches).
Je crois que les deux premières fois où j’ai assisté à la prière du vendredi, j’y pensais beaucoup, j’étais conscient de ma différence. La première fois, c’était à New York, où un ami m’avait amené, à Brooklyn in Bed-Stuy (Bedford Stuyvestant). Le voisinage me rendait nerveux, mais pas la mosquée comme telle. Mais une fois à l’intérieur, je me sentis très à l’aise et pas vraiment différent des autres personnes qui y prenaient place.
AB : Quelle a été la réaction de ta famille face à ta conversion à l’islam? Car tu as été élevé dans le catholicisme, n’est-ce pas?
E : Vous savez, ma mère est très ouverte d’esprit, très progressiste. Elle habite avec moi. Et j’ai été élevé non pas avec la croyance en Dieu, mais avec la certitude profonde de Son existence. On m’a appris que s’il y a une chose vraiment importante que je dois savoir en cette vie, c’est que Dieu existe. Et ma mère, bien que catholique, est la première à montrer du doigt l’hypocrisie qui existe au sein de l’Église. Il y a bien longtemps qu’elle n’a pas assisté à une messe. Mais autant que je sache, elle est heureuse de savoir que Dieu occupe une telle place dans ma vie.
Elle me regarde faire mes prières. Et Divine est une des personnes qu’elle aime le plus. Nous ayant connus plus jeunes, elle sait à quel point nous avons changé. Lorsque Divine et moi nous sommes connus, nous étions de jeunes fous; nous faisions la fête, nous nous battions et errions sans but. Nous pensions que c’était cela être un homme, nous étions de vraies petites brutes.
Mais elle a vu à quel point l’islam nous a changés et à quel point cette religion a apporté la paix dans nos vies, surtout depuis que je me suis mis à la pratiquer de façon sérieuse. L’autre jour, j’ai eu une longue conversation avec ma mère au sujet de la religion en général. Nous parlions de la vie et de la mort, et de l’avenir, du moment où elle allait mourir, et je lui ai demandé de faire quelque chose. Je lui ai dit : « Maman, quand tu mourras, des anges viendront de poser des questions et tu devras y répondre. Je ne sais pas exactement comment ça se passera, car je ne suis jamais passé par là... Mais garde à l’esprit qu’il n’y a qu’un seul Dieu et qu’il n’a jamais été homme. »
Elle m’a répondu : « Je comprends ce que tu essaies de me dire. » Et j’ai dit : « Jésus n’était pas Dieu, maman. »
Je vois petit à petit les effets de mes enseignements sur ma mère. Elle n’est pas musulmane, mais elle sait qu’il n’y a qu’un seul Dieu. Et cela me rend heureux. Je connais des gens qui se sont convertis à l’islam et qui ont été rejetés par leur famille.
Eric Schrody, ex-catholique, USA (partie 2 de 2)
Description: Interview avec l’ancien chanteur de rap Everlast sur son cheminement vers l’islam. Partie 2.
- par Adisa Banjoko (interviewer)
- Publié le 15 Dec 2008
- Dernière mise à jour le 15 Dec 2008
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AB : Ma famille a failli me rejeter, moi aussi. Je n’arrive pas à comprendre. Mais tu sais quoi? Il s’agit d’un test. Bien que j’aie changé mon nom depuis près de huit ans, déjà, ils continuent de m’appeler par mon nom de naissance. Et ils disent : « Oh, j’avais oublié que tu étais musulmane. ». Puis ils font de mauvaises blagues au sujet de la viande de porc. Ça n’arrête jamais.
E : Les gens se moquent souvent de ce qu’ils ne comprennent pas. Ou alors ils éprouvent de la crainte par rapport aux choses qu’ils n’arrivent pas à saisir. Mais nul ne peut prétendre qu’il ne comprend pas des choses pourtant si simples.
Je me rappelle lorsque je me suis assis et que j’ai demandé : « En quoi est-ce qu’un musulman croit, exactement? ». On m’a répondu très clairement. J’ai dit : « Vous ne mettez pas une barrière entre vous et le christianisme et le judaïsme... », et on m’a répondu : « Non, c’est la même histoire, elles ont toutes la même base. »
Lorsque vous lisez le Coran, la Bible et la Torah (qui est essentiellement l’Ancien Testament), vous découvrez que le Coran réaffirme les faits véridiques qui se trouvent dans les deux autres livres et remet en question les affirmations erronées qu’ils contiennent. Et vous vous demandez : « Comment des informations aussi similaires se sont-elles retrouvées dans ces livres alors que ces peuples venaient de différentes parties du monde? » Et chaque livre confirme les faits qui se trouvent dans les autres.
Je suis en train de lire un livre intitulé « Muhammad : The life of the Prophet » (Mohammed : la vie du Prophète), par Karen Armstrong, une non-musulmane. Je n’en ai lu que le quart, mais au début, elle raconte comment les gens ont tenté, au départ, de faire passer Mohammed pour l’homme le plus mauvais ayant existé, insistant sur l’idée qu’il avait répandu l’islam par l’épée. Mais l’histoire nous apprend qu’il ne s’est battu que lorsqu’il n’avait d’autre choix et pour défendre l’islam. C’est un très bon livre, qui décrit bien l’homme qu’il était et qui n’essaie pas de faire croire qu’il était autre chose qu’un homme, tout simplement. Il a été le plus parfait exemple à suivre parmi tous les hommes qui ont vécu sur cette terre et nul autre en son genre ne viendra après lui.
Quand vous allez au-delà de la crainte qu’inspirent Farrakhan et ses propos (et je parle en tant que Blanc), quand vous allez au-delà de l’ignorance qui vous porte à croire que l’islam est lié à ces gens qui font tout sauter autour d’eux, vous êtes mieux disposé à connaître le véritable islam. Ils font toutes sortes de folies au nom de l’islam, mais ce qu’ils font n’a rien à voir avec l’islam.
Lorsque je parle de Jésus à un chrétien et que je lui explique ce qu’il était réellement, il ne sait que répondre. Et je ne me contente pas de dire, tout simplement, que Jésus n’était pas Dieu. Je pousse la personne à réfléchir à ce que signifie réellement le fait qu’il était un homme, un prophète et rien de plus. Si j’étais chrétien – et cela, pour moi, voudrait dire que je dois suivre l’exemple de Jésus – et que Dieu me demandait, à ma mort : « Pourquoi n’as-tu pas mieux suivi l’exemple de Jésus? », je serais obligé de lui répondre : « Parce tu l’as fait moitié homme, moitié Dieu et que moi, tu ne m’as fait qu’homme »... Cela n’aurait franchement aucun sens.
Dieu ne cherche pas à nous compliquer les choses; au contraire, Il veut la facilité, pour nous. Si vous demandez avec sincérité, Dieu répondra à vos prières. Il se peut qu’Il mette quelques obstacles sur votre route, que vous vous enfargiez dedans et que vous tombiez. Mais cela ne signifie pas que vous n’obtiendrez pas ce que vous aurez demandé.
AB: Parle-moi de la première et de la deuxième fois où tu as prononcé l’attestation de foi.
E : La première fois, c’était aussitôt après avoir écouté une cassette de Warith Deen Muhammad (fils du fondateur de la Nation de l’islam, Elijah Muhammad, il a amené une grande partie des adeptes de la Nation de l’islam à embrasser l’islam orthodoxe). Sur cette cassette, il détruisait le mythe de Jésus fils de Dieu et expliquait que les musulmans rendent un grand service aux chrétiens en réduisant Jésus à un homme semblable à tous les autres. Car pourquoi Dieu aurait-il créé un être mi-homme mi-Dieu pour ensuite le comparer à nous? Cela eu l’effet d’une bombe, dans mon esprit. Alors je prononçai l’attestation de foi. Mais l’excitation que je ressentis à ce moment-là eut tôt fait de s’estomper.
J’étais comme un chrétien qui dit accepter Jésus et qui se dit : « Peu importe ce que je fais, je suis sauvé de toute façon ». J’ai été élevé dans ce genre de mentalité qui fait dire : « D’accord, j’accepte la vérité, mais laissez-moi faire tout ce que je veux, je suis sauvé de toute façon. »
À cette époque, et en dépit de mon attestation de foi, je ne prétendais pas être musulman. Je choisissais çà et là ce qui faisait mon affaire, ce en quoi je voulais bien croire. Dieu me laissa cette liberté pour un temps. Mais vint le moment où je me sentis acculé au pied du mur. J’étais insatisfait de ma vie, au point de vue émotionnel et spirituel. J’avais de l’argent à la banque et une voiture de 100 000$, des femmes tant que je voulais, tout ce qu’un homme croit nécessaire à son bonheur. Et j’étais là à me demander pourquoi je me sentais aussi malheureux. Puis un jour, cette voix intérieure qui nous parle me dit : « Tu es malheureux parce que tu mènes une mauvaise vie et que tu ne fais rien pour changer. »
Mais mon entêtement, à l’époque, m’empêchait d’en parler. Je me disais que j’arriverais à me débrouiller seul et à régler moi-même ce problème.
J’ai finalement marché sur mon orgueil et je suis allé en parler à Divine et Abdoullah. Ils m’ont demandé : « Comment te sens-tu par rapport à cela? Qu’est-ce que tu en penses? ». J’étais donc là, avec eux, en train de discuter de profession de foi à nouveau. Je pris l’engagement de faire de mon mieux dans cette voie, de faire mon possible pour accomplir mes cinq prières quotidiennes. Je ne voulais pas m’en imposer trop, je ne voulais pas me morfondre si jamais je commettais l’erreur d’aller dans un bar et de prendre un verre. Je me dis que j’allais commencer à faire mes prières et demander à Dieu de m’aider à abandonner mes péchés, un à la fois. Voilà où j’en suis encore au moment où je vous parle.
Vous savez, une fois que vous avez laissé tomber vos pires actions, ça devient beaucoup plus subtil. Subtil en ce sens où vous regardez un homme, par exemple, et vous ne dites rien de négatif à son sujet, mais en vous-mêmes, vous le jugez et vous en pensez du mal. Les choses plus flagrantes sont plus faciles à surmonter. Ce sont plutôt les trucs psychologiques qui vous font découvrir qui vous êtes vraiment. Si vous n’êtes pas capable d’affronter cette réalité, cette vérité sur la personne que vous êtes réellement, vous finirez par vous écrouler.
Les gens m’interrogent, me demandent si je suis musulman. Parfois, je leur réponds que oui, je suis musulman, mais que je suis également un pécheur professionnel et que j’essaie de m’en sortir. Jamais je ne prétendrai être meilleur qu’un autre. Tout ce que je crois, c’est que j’ai été guidé vers la vérité et qu’avec un peu de chance, cela assurera mon salut. »
Adisa Banjoko est une écrivaine indépendante de la région de San Francisco Bay.
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