L’idolâtrie (partie 1 de 5)
Description: Comment l’idolâtrie s’est introduite au sein du christianisme. Partie 1 : le sens réel de l’adoration.
- par Laurence B. Brown, MD
- Publié le 25 Jan 2016
- Dernière mise à jour le 27 Nov 2016
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C’est une bien étrange ironie que ceux qui vénèrent les pierres vivent dans un monde d’idéologies de verre.
—L. Brown
L’idolâtrie : tout monothéiste en abhorre même la pensée et pourtant, nombreux sont ceux qui s’en rendent coupables, souvent inconsciemment. Peu de gens, de nos jours, saisissent réellement la complexité du sujet, surtout que la définition de l’idolâtrie a été enterrée sous près de 1700 ans de tradition ecclésiastique.
Le second commandement affirme : « Tu ne te feras pas d'idole ni de représentation quelconque de ce qui se trouve en haut dans le ciel, ici-bas sur la terre, ou dans les eaux plus bas que la terre. Tu ne serviras pas de telles idoles et tu ne leur rendras pas de culte. (Exode 20:4-5).
Ce commandement, qui ordonne de ne pas fabriquer d’idoles ni de faire de représentation quelconque de tout être vivant parle de lui-même.
Ces directives ne pourraient être plus claires.
Mais il est dans la nature humaine de chercher à découvrir des failles dans les lois et les écritures. Par conséquent, certains considèrent que le commandement ordonnant de ne pas fabriquer d’idoles ni de représentations dépend du décret suivant ordonnant de ne pas les servir et de ne pas leur rendre de culte – l’argument étant que si personne ne voue de culte à ces idoles ou images, il est alors permis de les fabriquer. Mais ce n’est pas ce que dit le commandement. Dans tous les cas, la prudence impose de respecter les interdits de Dieu, car ceux qui en font fi doivent s’attendre à en rendre compte ultérieurement.
Mais faisons un pas en arrière. Que signifient réellement les mots « servir » et « rendre un culte » (ou « adorer »)?
Le verbe « servir », selon le Merriam-Webster’s Dictionary, signifie « rendre le service et le respect dus à un supérieur ».[1] Alors si placer des images ou des statues dans une position supérieure (statues sur des piédestaux, icônes religieuses encadrées, etc), dépenser temps, énergie et argent à les épousseter, les nettoyer, les orner et les préserver ne sont pas des actes de service et de respect, alors que sont-ils?
La réponse chrétienne typique? Ces actes ne sont pas des actes d’adoration.
Attendez un instant. Le mot adoration (worship, en anglais) n’existait même pas il y a deux mille ans. En fait, il n’existait même pas il y a mille ans. Il n’existait pas, dans la langue anglaise, durant la période de la révélation (en supposant que le Nouveau Testament ait été rédigé en anglais, ce qui n’est, bien sûr, pas le cas). Alors quels termes étaient utilisés à l’époque biblique? De quel mot-racine le terme adoration (worship) est-il dérivé?
Sans surprise, le terme worship provient de worthiness, qui signifie « mérite » et « valeur ».
Worship est d’abord apparu comme un mot-composé signifiant « worthiness » (mérite, valeur). Il fut formé de l’adjectif worth et du suffixe –ship et fut d’abord utilisé dans le sens de « distinction, crédit, dignité ». Puis on lui donna rapidement les sens de « respect, révérence », mais ce ne fut qu’au 13e siècle qu’il passa dans le vocabulaire religieux. Le verbe lui-même remonte au 12e siècle.[2]
Voici ce qu’en dit la New Catholic Encyclopedia :
Worship : en anglo-saxon, « weorð-scipe » signifiait « worth-ship », où « worth » doit être compris dans le sens de valeur ou d’honneur. Ainsi, worship signifiait, à l’origine, la qualité, le fait d’avoir de la valeur ou d’être digne.[3]
Alors que dit réellement le deuxième commandement? Non seulement nul ne devrait jamais se prosterner ou adorer des images ou statues fabriquées par l’homme (comme le font les catholiques, par exemple), mais nul ne devrait même accorder de valeur à ces objets.
« Nous ne leur accordons aucune valeur ! », s’exclament encore les chrétiens.
Oh, vraiment? Alors dans ce cas, cela ne devrait pas vous contrarier si nous les jetons aux ordures. Car ils sont sans valeur, n’est-ce pas? Et que faisons-nous des choses sans valeur? Nous nous en débarrassons, n’est-ce pas?
Comme vous pouvez le constater, les chrétiens accordent bel et bien de la valeur à des images et statues et, par le fait même, enfreignent clairement le deuxième commandement.
L’idolâtrie se manifeste-t-elle d’autres façons?
Bien sûr. Vous êtes-vous jamais demandé pourquoi les gens, autrefois – et encore aujourd’hui, parfois – saluaient les hauts membres du clergé, de la royauté et de l’élite sociale en disant « Votre éminence » ou « Votre majesté » (Your worship, en anglais)? Par cette phrase, les roturiers exprimaient leur admiration de ces hommes et de ces femmes de haut rang. Était-ce là un acte d’adoration? Selon la définition du terme, oui.
Et cela signifie-t-il que les roturiers qui utilisaient cette expression vénéraient ceux à qui ils l’adressaient? Euh, oui. Non seulement les vénéraient-ils, ils les idolâtraient. Et nous voyons cette même dynamique, de nos jours, envers les personnalités de la musique, des sports et du cinéma, qui ont remplacé le clergé, la royauté et l’élite sociale d’autrefois.
« Oh, allons donc! », que je vous entends dire, « c’est vraiment ridicule ». Non, pas du tout. Je ne dis pas que Dieu nous a interdit d’honorer de telles personnes; je dis simplement que de s’adresser à des individus en les appelant « votre éminence » est une forme d’adoration. Là où cela dépasse les limites pour entrer dans la zone interdite est quand des gens révèrent des personnes comme de vraies divinités ou leur accordent l’honneur et le respect que l’on réserve normalement au Créateur. Et s’ils préfèrent le mode de vie et les lois de ces individus au mode de vie et aux lois prescrits par Dieu, ils usurpent l’autorité de Dieu. De même, s’ils vénèrent ces individus en les voyant comme infaillibles ou en s’inclinant devant eux (pour baiser leur bague, par exemple), ils leur accordent des droits et un honneur particuliers qui ne devraient être accordés qu’à Dieu.
Nous comprenons donc que l’idolâtrie n’a pas toujours besoin d’une statue pour se manifester. Après tout, l’idolâtrie « réfère à l’adoration de divinités autres que Dieu et l’utilisation d’images est caractéristique du mode de vie des païens. »[4]
Il est intéressant que ce soit une encyclopédie catholique qui nous offre une telle définition, n’est-ce pas? Nul besoin d’être une lumière pour comprendre qu’ils se tirent dans le pied!
Malheureusement, plusieurs dénominations chrétiennes modernes justifient ces pratiques sur la base de la tradition et non des écritures. Il est très rare, de nos jours, que les chrétiens donnent préséance aux écritures sur la tradition. Des exemples existent cependant. Dans les années 1500, on présenta, pour la toute première fois, une image de la Vierge Marie aux chrétiens nestoriens de la Côte de Malabar, en Inde. Protégés de l’influence européenne, ces chrétiens étaient demeurés dans l’ignorance des changements apportés par les divers conciles et synodes des églises européennes. Ce n’est qu’avec l’établissement des routes maritimes, au 16e siècle, que les deux groupes chrétiens établirent des liens. Comme le soulignait Edward Gibbon :
« Leur séparation du monde occidental les avait laissés dans l’ignorance des améliorations ou des corruptions ayant eu lieu durant plus de mille ans; et leur conformité à la religion et sa pratique du cinquième siècle aurait démenti les préjugés d’un papiste ou d’un protestant. »[5] Alors, comment réagirent-ils lorsqu’on leur présenta une image de la Vierge Marie?
D’abord, ils trouvèrent le titre de « Mère de Dieu » offensant et, bien qu’honorant la Vierge Marie, ils éprouvaient des scrupules à l’élever au rang de déité, contrairement aux Latins, qui l’avaient pratiquement élevée à ce rang. Alors, quand on leur montra, pour la première fois, une image de la Vierge, ils s’exclamèrent, indignés : « Nous sommes chrétiens! Nous ne sommes pas des idolâtres! ».[6]
Note de bas de page:
[1]Merriam-Webster’s Collegiate Dictionary. 1997. Dixième édition. Merriam-Webster, Inc.
[2] Ayto, John. 1991.Bloomsbury Dictionary of Word Origins. (Dictionnaire Bloomsbury de l’origine des mots) Londres: Bloomsbury Publishing Limited.
[3]New Catholic Encyclopedia (Nouvelle encyclopédie catholique) 1967. Washington, D.C.: The Catholic University of America (Université catholique des États-Unis). Vol 14, p. 1030.
[4] Ibid., Vol 7, p. 348.
[5] Gibbon, Edward, Esq. 1854.The History of the Decline and Fall of the Roman Empire (Histoire du déclin et de la chute de l’Empire romain). Londres: Henry G. Bohn. Vol. 5, Chapitre XLVII, p. 263
[6] Ibid. vii Ibid., Chapitre XLIX, p. 359.
L’idolâtrie (partie 2 de 5)
Description: Comment l’idolâtrie s’est introduite au sein du christianisme. Partie 2 : l’introduction d’images et de sculptures au sein de l’Église et le début de l’adoration des icônes.
- par Laurence B. Brown, MD
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Il vaut la peine de souligner que ces chrétiens de la Côte de Malabar n’étaient ni dans l’erreur ni les seuls à penser de la sorte :
« Les premiers chrétiens éprouvaient une répugnance insurmontable envers l’utilisation des icônes et cette aversion peut être attribuée au fait qu’ils descendaient des juifs et à leur inimitié envers les Grecs. La loi mosaïque avait sévèrement proscrit toute représentation divine et ce précepte était fermement établi dans les principes et pratiques du peuple élu. Le gros bon sens des apologistes chrétiens montra du doigt les idolâtres écervelés, qui s’inclinaient devant le travail de leurs propres mains, idoles de cuivre et de marbre, qui, si elles avaient été dotées d’intelligence et de mouvement, auraient adoré, à partir de leur piédestal, les pouvoirs créateurs de l’artiste. »[1]
Ou, pour le dire plus simplement, en français moderne :
« Les premiers chrétiens s’en prirent à l’adoration des icônes, la considérant comme l’œuvre du diable, et il y eut une destruction massive de tous les types d’idoles au moment où le christianisme venait tout juste de triompher. Toutefois, au cours des siècles qui suivirent, les icônes se faufilèrent à nouveau parmi les chrétiens, apparaissant sous de nouveaux noms, mais, pour l’œil critique, dans un rôle identique. Ce sont les chrétiens d’Orient qui, les premiers, réalisèrent qu’une grande partie de la religion païenne que leurs ancêtres avaient détruite, souvent au coût de leur vie, effectuait un retour dans l’indifférence générale. »[2]
Néanmoins, « l’art » religieux fut approuvé lors du Concile de Nicée, en 325 de notre ère, et dès lors, l’adoration des idoles se répandit au sein du catholicisme. Gibbon commente :
« Au début, l’expérience se fit avec prudence et scrupule; les icônes furent discrètement utilisées pour instruire les ignorants, émouvoir les gens froids de nature et satisfaire les préjugés des prosélytes païens. Par une progression lente, mais inévitable, les honneurs voués à l’original furent transférés à la copie; les fervents chrétiens se mirent à prier devant l’image d’un saint; et les rites païens de la génuflexion, des lampions et de l’encens se faufilèrent en douce au sein de l’Église catholique. »[3]
Gibbon continue :
« L’adoration d’images s’était introduite au sein de l’église petit à petit, de façon quasi inaperçue, et chacun de ces petits pas était agréable à l’esprit superstitieux, car il lui procurait un certain réconfort et lui apparaissait comme dépourvu de péché. Toutefois, au début du huitième siècle, alors que cet abus avait atteint des sommets, les Grecs, plus timorés, furent saisis d’une appréhension; que, sous le masque du christianisme, ils avaient ramené la religion de leurs ancêtres. Ils entendaient prononcer, avec chagrin et impatience, les noms des idolâtres; les attaques incessantes des juifs et des musulmans, qui éprouvaient, sur la base de la Loi et du Coran, une haine immortelle envers les images gravées et tout acte d’adoration y étant relié. »[4]
« Tous ceux dont le christianisme était fondé sur les écritures, l’exemple apostolique et les enseignements des prophètes s’opposèrent à l’introduction des images. Par conséquent, lorsque la sœur de l’empereur Constantin, nommée Constantine, demanda une représentation de Jésus, en l’an 326, Eusèbe de Nicomédie répondit avec dédain : « Quelle ressemblance avec le Christ existe-t-il? De telles images sont interdites par le deuxième commandement! »[5]
Il y a plus de deux siècles, Joseph Priestley rédigea un résumé expliquant non seulement l’histoire de l’introduction de cette corruption au sein de l’orthodoxie chrétienne, mais aussi ses causes :
« Comme les temples étaient désormais érigés en l’honneur de saints particuliers – et plus spécialement de martyrs – il devint naturel de les orner à l’aide de peintures et de sculptures représentant les exploits de ces saints et de ces martyrs. Et cela fit en sorte que les églises chrétiennes ressemblent de plus en plus aux temples païens – qui étaient, eux aussi, ornés de statues et d’images – tout en attirant les masses ignorantes vers cette nouvelle religion (i.e. le christianisme), rendant la transition encore plus facile.
Paulin de Nole, un ancien païen de rang sénatorial converti au christianisme, célébré pour ses œuvres et son érudition et qui mourut alors qu’il était évêque de Nola, en Italie, se distingua à ce niveau. Il rebâtit avec splendeur sa propre église épiscopale, dédiée à Félix le martyr, et fit peindre, dans ses portiques, les miracles de Moïse et de Jésus, en plus des actes de Félix et d’autres martyrs, dont les reliques furent déposées en ces lieux. Cela, dit-il, fut fait dans le but d’inciter les masses ignorantes, habituées aux rites profanes du paganisme, à découvrir la doctrine chrétienne et à s’en faire une opinion favorable, en apprenant, à travers ces images, ce qu’ils étaient incapables d’apprendre dans les livres au sujet de la vie et des actes des saints chrétiens.
Une fois la coutume d’orner les églises d’images initiée (vers la fin du quatrième ou le début du cinquième siècle et, le plus souvent, par d’anciens païens convertis), les plus riches, parmi les chrétiens, semblèrent rivaliser, entre eux, sur qui construirait et ornerait son église de la façon la plus opulente et rien, sans doute, ne contribua plus à ce phénomène que l’exemple de Paulin de Nole.
À l’Est, des icônes et des fresques se trouvaient dans les principales églises à l’époque de Jean Chrysostome. En Italie, elles étaient encore rares au début du cinquième siècle et l’évêque de ce pays, qui avait fait peindre des images dans son église, cru bon de défendre sa décision en affirmant que les gens qui trouveraient divertissantes ces images auraient alors moins de temps pour aller s’amuser à autre chose. Cette coutume origine probablement de Cappadoce, où Grégoire de Nysse était évêque, ce même Grégoire qui fit l’éloge de Grégoire le Thaumaturge lorsque ce dernier trouva le moyen de faire en sorte que les fêtes chrétiennes soient similaires aux fêtes païennes.
Bien que plusieurs églises, à cette époque, fussent ornées d’images de saints et de martyrs, rares étaient les images représentant le Christ. On dit que ces dernières auraient été introduites par les Cappadociens et que les toutes premières n’étaient que symboliques, faites sous forme d’agneau. Ce ne fut pas avant le Concile de Constantinople, appelé In Trullo et tenu en l’an 707, qu’il fut ordonné que des images du Christ sous forme humaine soient peintes. »[6]
Note de bas de page:
[1]Ibid., Chapitre XLIX, p. 359.
[2] Chamberlin, E. R. 1993. The Bad Popes (Les mauvais papes) Barnes & Noble, Inc. p. 11.
[3] Gibbon, Edward, Esq. Vol. 5, Chapitre XLIX, p. 361.
[4] Ibid., p. 365.
[5] Hodgkin, Thomas. 1967. Italy and Her Invaders. (L’Italie et ses envahisseurs) Vol. VI, Book VII. New York: Russell & Russell. p. 431.
[6] Priestley, Joseph, LL.D. F.R.S. 1782. An History of the Corruptions of Christianity. Birmingham: Piercy and Jones. Vol. 1; "The History of Opinions relating to Saints and Angels," Section 1, Part 2— "Of Pictures and Images in Churches." pp. 337–339.
L’idolâtrie (partie 3 de 5)
Description: Comment l’idolâtrie s’est introduite au sein du christianisme. Partie 3 : comment la tentative de Léo III, empereur de Constantinople, visant à détruire les images, fut découragée. Des parallèles saisissants entre les enseignements du christianisme et ceux d’anciennes civilisations.
- par Laurence B. Brown, MD
- Publié le 01 Feb 2016
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En 726, à peine dix-neuf ans après le Concile de Constantinople, l’empereur Léo III (aussi appelé Léo l’Isaurien, mais mieux connu sous le nom de Léo l’Iconoclaste) commença à ordonner la destruction d’images dans son cercle d’influence grandissant. Thomas Hodgkin écrit :
« C’est le contact avec le mahométanisme qui ouvrit les yeux de Léo et des hommes de son entourage, ecclésiastiques et laïques, sur les superstitions idolâtres et humiliantes qui s’étaient glissées au sein de l’Église et qui faisaient ombrage à une religion qui s’autoproclamait la plus pure et la plus spirituelle, mais qui était en train de devenir l’une des plus superstitieuses et des plus matérialistes que le monde eût jamais connu. Fuyant, au départ, toute représentation iconographique, puis s’autorisant l’utilisation d’emblèmes à la fois beaux et pathétiques (comme celle du Bon Berger), au quatrième siècle, l’Église chrétienne chercha à instruire les convertis – que sa victoire, sous Constantin, lui amenait par myriades – à l’aide de représentations sur les murs des églises. À partir de là, la transition aux icônes révérées du Christ, de la Vierge et des Saints fut naturelle et facile. Mais l’absurdité suprême et blasphématoire, la représentation du Créateur Tout-Puissant de l’univers en tant que vieil homme barbu et flottant dans le ciel, n’avait pas encore été commise et n’allait pas être osée avant que la race humaine ne descende de plusieurs niveaux vers les ténèbres du Moyen-Âge. Mais assez avait déjà été fait pour montrer la direction vers laquelle tendait l’Église et pour donner un sens au sarcasme des fidèles du Prophète lorsqu’ils hurlèrent « idolâtres! » aux populations lâches et serviles d’Égypte et de Syrie. »[1]
L’ironie de la transition de l’empereur Léo en tant que vainqueur sur les Sarrasins, en Europe de l’Est, à Léo l’Iconoclaste est flagrante. Après avoir défait les musulmans, il leur emprunta leur ardeur à abolir l’idolâtrie. C’est alors que le pape Grégory II tenta de décourager Léo en lui conseillant ceci :
« Ignorez-vous que les papes sont les liens, les médiateurs de paix entre l’Orient et l’Occident? Les yeux des nations sont rivés sur notre humilité; et ils révèrent, comme un Dieu sur terre, l’apôtre Saint Pierre, dont vous menacez de détruire l’image. (…) Abandonnez donc cette entreprise imprudente et fatale; réfléchissez, tremblez et repentez-vous. Si vous persistez, nous sommes innocents du sang qui sera versé au cours de cette lutte. Puisse-t-il retomber sur votre propre tête. »[2]
Comme le mentionne George Bernard Shaw dans la préface de sa pièce Saint Joan : « Les églises doivent apprendre l’humilité en plus de l’enseigner. »[3] Nul doute que la personne qui crie : « Regardez comme je suis humble! Ne voyez-vous pas que je suis la personne la plus humble qui soit? » est instantanément disqualifiée. Mais surtout, le pape qui sanctionne les images, tout en disant, du même souffle : « Mais pour ce qui est de la statue de Saint Pierre, que tous les royaumes d’Occident considèrent comme un dieu sur terre, leur vengeance serait terrible »[4], ce pape, donc, devrait pourtant être en mesure de percevoir l’incohérence théologique de la taille d’un astéroïde. Plus exactement, il devrait lui apparaître très évident que celui qui devrait « réfléchir, trembler et se repentir » n’est pas celui qu’il suggère!
Le fait que le pape Grégory II et ses fidèles étaient prêts à partir en guerre contre la destruction de leurs icônes atteste de la valeur extraordinaire qu’ils accordaient à ces images. Et ils n’hésitèrent pas à verser le sang, au point où la défaite de l’armée de Léo, à Ravenne, fit se peindre de rouge l’eau du Po. La rivière fut si polluée par les cadavres que « six années durant, le public s’abstint de consommer les poissons de ces eaux… »[5]
Lorsque le synode de Constantinople se rassembla, en 754 de notre ère, l’Église catholique romaine organisa un boycott à cause de la non-conformité de l’Église grecque avec les enseignements catholiques. Du moins, c’est l’excuse qu’ils avancèrent. Il est en réalité plus probable que les catholiques aient reconnu leur incapacité à défendre une pratique condamnée par les écritures et par ce Dieu Tout-Puissant qu’ils prétendaient adorer.
Néanmoins, le synode se fit sans eux et, après de sérieuses délibérations qui durèrent six mois, les trois cent trente-huit évêques prononcèrent un décret unanime selon lequel tous les symboles visibles du Christ, sauf dans l’eucharistie, étaient soit blasphématoires ou hérétiques; l’adoration des images était une corruption du christianisme et un retour au paganisme; tous les monuments d’idolâtrie devaient être détruits ou rasés; et ceux qui refuseraient de céder leurs objets de superstition seraient coupables de désobéissance envers l’autorité de l’église et celle de l’empereur.[6]
Le fait que le synode exempta l’eucharistie d’être associée au paganisme est particulièrement curieux, surtout lorsqu’on connaît un peu les rites et rituels anciens de Perse et d’Égypte. Les Perses utilisaient de l’eau et du pain bénis dans l’ancien culte de Mithra.[7] Comme le fait remarquer T.W. Doane, dans son ouvrage de 1971 intitulé Bible Myths and Their Parallels in Other Religions (Mythes bibliques et leurs parallèles au sein d’autres religions) :
C’est dans l’ancienne religion de Perse – la religion de Mithra, le Médiateur, le Rédempteur et Sauveur – que l’on retrouve ce qui ressemble le plus au sacrement chrétien, lequel a manifestement été emprunté. Ceux qui étaient initiés aux mystères de Mithra (ou qui devenaient membres), devaient se soumettre à ce sacrement du pain et du vin…
Cette nourriture était appelée l’eucharistie et nul ne pouvait la partager s’il ne croyait pas aux enseignements et s’il n’avait pas été lavé (baptisé) de façon à effacer ses péchés. Tertullien, dont l’influence s’étendit de 193 à 220 de notre ère, parle lui aussi des fidèles de Mithra célébrant l’eucharistie :
« L’eucharistie du Seigneur et Sauveur, que les mages appelaient Mithra, la deuxième personne de leur trinité ou leur sacrifice eucharistique, se déroulait exactement et dans les mêmes détails que celle des chrétiens orthodoxes; les deux remplaçaient parfois le vin par de l’eau ou par un mélange des deux. »[8]
Le culte d’Osiris (l’ancien dieu égyptien de la vie, de la mort et de la fertilité) offrait le même attrait d’un salut facile à obtenir qu’offrait Paul avec son concept de salut par l’intermédiaire du sacrifice de Jésus. « Le secret de cette popularité était qu’Osiris avait vécu sur terre en tant que bienfaiteur, était mort pour le bien des hommes et était ressuscité en tant qu’ami et juge. »[9] Les anciens Égyptiens commémoraient la naissance d’Osiris avec un berceau et des lumières et célébraient chaque année sa prétendue résurrection. Ils commémoraient aussi sa mort en mangeant du pain sacré qui avait été béni par leurs prêtres. Ils croyaient que cette consécration transformait le pain en véritable chair d’Osiris. »[10] Si tout cela semble familier, c’est que ça l’est. Comme James Bonwick l’écrit : « Comme il est reconnu que le pain, après les rites sacerdotaux, devient, mystiquement, le corps du Christ, de même les hommes du Nil déclaraient que leur pain, après les rites, devenait, mystiquement, le corps d’Osiris. Et c’est de façon qu’ils mangeaient leur dieu. »[11]
De plus, comme l’écrit Bonwick :
« Comme les gâteaux d’Osiris, les gâteaux d’Iris étaient ronds. Ils étaient déposés sur l’autel. Gliddon écrit qu’ils étaient « de forme identique aux gâteaux sacrés des églises de Rome et d’Orient ». Melville nous assure que « les Égyptiens marquaient ce pain béni avec la croix de Saint André ». Le pain de présence était brisé en morceaux avant d’être distribué aux gens par les prêtres et était censé devenir la chair et le sang de la déité. Le miracle était accompli par la main du prêtre officiant, qui bénissait la nourriture. »[12]
De même, les anciens bouddhistes offraient un sacrement de pain et de vin, les hindous, une eucharistie de jus de soma (un extrait de plante alcoolisé) et les Grecs anciens, un sacrement de pain et de vin en hommage à Déméter (leur déesse de l’agriculture et des moissons) et à Dionysos (leur dieu du vin). Ainsi, ils mangeaient la chair et buvaient le sang de leurs divinités. »[13]
Note de bas de page:
[1] Hodgkin, Thomas. Vol. VI, Livre VII, p. 431
[2]Gibbon, Edward, Esq. Vol. 5, Chapitre XLIX, pp. 376–7.
[3] Shaw, George Bernard. 1924. Saint Joan. Préface.
[4] Labbe, P. Venice, 1728–1733. Sacrosancta Concilia. Vol. VII, p. 7.
[5] Gibbon, Edward, Esq. Vol. 5, Chapitre XLIX, p. 379.
[6] Ibid., p. 369.
[7] Bonwick, James, F.R.G.S. 1956. Egyptian Belief and Modern Thought (Les croyances égyptiennes et la pensée moderne). Colorado: Falcon’s Wing Press. p. 417.
[8] Doane, Thomas W. 1971. Bible Myths and Their Parallels in Other Religions. New York: University Books. pp. 307–308.
[9] Bonwick, James. p. 162.
[10] Ibid., p. 163.
[11] Ibid., p. 417.
[12] Ibid., pp. 417–418.
[13] Doane, Thomas W. pp. 305–309.
L’idolâtrie (partie 4 de 5)
Description: Comment l’idolâtrie s’est introduite au sein du christianisme. Partie 4 : Comment le christianisme s’est plongé encore plus profondément dans l’adoration d’êtres humains et de choses créées.
- par Laurence B. Brown, MD
- Publié le 01 Feb 2016
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Ces parallèles religieux sont si évidents qu’ils demandent explication. Car on doit, raisonnablement, se demander comment, dans les cultes d’Isis et d’Osiris, on formait la croix de Saint André sur le pain sacré plus de deux mille ans avant la naissance de Saint André! Clairvoyance de la part des Égyptiens ou plagiat religieux de la part de Saint André? De plus, il y a de frappantes similitudes entre les mystères du christianisme paulinien et ceux des cultes d’Isis et d’Osiris, incluant le mystère de la vierge (Isis la mère vierge et l’enfant Horus) et celui du sacrifice d’Osiris, suivi de sa résurrection et de son rôle de rédempteur. Justin de Naplouse, le fameux apologète chrétien, rejeta ces similitudes en prétendant que Satan aurait copié les cérémonies chrétiennes afin d’égarer le reste de l’humanité.[1] Toutefois, cet argument n’a aucun sens si l’on tient compte de la chronologie des faits : ces pratiques eucharistiques et ces mystères de la foi précédaient ceux du catholicisme de plus de deux mille ans.
Considérant ce fait, T.W. Doane conclut, avec raison, que :
« Ces faits démontrent que l’eucharistie est une autre pratique païenne adoptée par les chrétiens. L’histoire de la cène de Jésus, avec ses disciples, est peut-être vraie, mais le fait qu’il aurait brisé le pain pour le partager entre eux en disant : « Faites cela en mémoire de moi : ceci est mon corps » et « ceci est mon sang » est sans le moindre doute une pure invention imaginée pour donner une certaine autorité à cette cérémonie mystique, empruntée au paganisme. »[2]
Des affirmations inventées dans la Bible? Comment cela est-il possible, alors que tous les évangiles rapportent ces paroles de Jésus lors du repas pascal? Enfin, tous à l’exception d’un. Selon Jean 13:1, Jésus fut arrêté avant le repas pascal. C’est donc Jean contre les synoptiques. Ou, pour égaliser la lutte, c’est Jean contre Q (abréviation du mot allemand « quelle », qui signifie « source ») – le document de source commune supposé être à l’origine des évangiles synoptiques.
Au cas où il y aurait malentendu, les Catholiques ne tolèrent pas d’interprétation symbolique de leurs rites. Le Concile de Trente (1545-63) établit des règles concernant la prétendue transsubstantiation de l’eucharistie et ces règles tiennent de nos jours encore, pas même modifiées par le bien plus libéral Concile de Vatican II (1962-65). En résumé, le Concile de Trente disait :
« Canon 1 : Si quiconque nie que, dans le sacrement de la sainte eucharistie, se trouvent vraiment, réellement et substantiellement le corps et le sang, de même que l’âme et la divinité de notre Seigneur Jésus-Christ et, conséquemment, le Christ tout entier, et affirme qu’il ne s’y trouve qu’en tant que symbole ou figure ou force, puisse-t-il être anathème. »[3]
Autrement dit, quiconque considère le pain et le vin de l’eucharistie comme de simples symboles doit être anathème (i.e. maudit et excommunié). Ce jugement est renforcé par ce qui suit :
« Canon 6 : Quiconque affirme que, dans le saint sacrement de l’eucharistie, le Christ, le seul et unique fils engendré par Dieu, ne doit pas être adoré avec la latrie et ne doit, par conséquent, être vénéré avec une solennité festive particulière ni porté solennellement lors de processions, selon les louables et universels rites et coutumes de l’Église, ni exposé publiquement aux gens afin d’être adoré et que ses adorateurs sont, en cela, des idolâtres, puisse-t-il être anathème. »[4]
Autrement dit, ceux qui refusent d’adorer, de vénérer ou de glorifier doivent subir le même sort que ceux qui considèrent l’eucharistie comme symbolique. Ces lois catholiques demeurent en vigueur de nos jours encore, ce qui explique pourquoi autant de dénominations protestantes se sont éloignées de leurs cousins catholiques et ont soit aboli, soit dilué leur vénération de l’eucharistie. Cette réaction est facile à comprendre si l’on tient compte du fait que de nombreuses cultures païennes ont enseigné l’assimilation des traits du totem ancestral par la consommation du « pain transformé en chair ». Quel groupe possède le véritable pain sacré demeure un objet de débat.
Mais pour revenir à notre sujet de départ, l’Église catholique répondit au synode de Constantinople (754) en organisant un second Concile de Nicée en 787. Ce concile rétablit l’adoration des icônes au motif que « l’adoration des images est agréable aux Écritures et à la raison, de même qu’aux pères et aux conciles de l’église. »[5]
Tout à coup, une théorie voulant que certains membres du clergé du huitième siècle aient organisé une séance de partage de champignons hallucinogènes devient presque crédible. Nous ne pouvons que nous demander quels pères apostoliques et quelles écritures ce concile a consultés. Autrement dit, de quelle façon, exactement, cette décision est-elle « agréable aux Écritures et à la raison »?
Dans tous les cas, ces communautés religieuses qui s’opposèrent à l’idolâtrie chrétienne furent « nettoyées » par les armées catholiques, en commençant par le massacre des chrétiens unitariens au milieu au neuvième siècle, où l’impératrice Théodora se mérita la douteuse distinction d’être celle « qui restaura les icônes à l’Église orientale [i.e. orthodoxe d’Orient]. »[6] Tous les efforts ultérieurs visant à éradiquer les icônes et statues au sein de l’Église furent étouffés, avec pour résultat les pratiques idolâtres chrétiennes auxquelles on assiste de nos jours.
Plus inquiétante encore est l’adoption d’idoles humaines. La vénération des prêtres est apparue au début du treizième siècle, sous la forme des prêtres jouant le rôle d’intermédiaires pour la confession et l’absolution des péchés. La vénération du pape, quant à elle, se manifeste dans le rituel consistant à embrasser les pieds ou la bague du pape. La doctrine de l’infaillibilité du pape, telle que définie par le pape Pie IX, lors du premier concile Vatican (1869-1870), plaça le pape à égalité avec Dieu. L’adoration de Marie et le titre de « Mère de Dieu » furent canonisés beaucoup plus tôt, lors du Concile d’Éphèse, en 431. Le fait d’adresser ses prières à des saints, aux anges et à la Vierge fut officiellement sanctionné dès le début du septième siècle. La fameuse prière Ave Maria, quant à elle, reçut sa formule officielle dans le bréviaire réformé du pape Pie V, en 1568. Cependant, parmi tous les sujets humains d’adoration, Jésus est sans conteste l’être humain le plus adoré qui ait jamais marché sur cette terre.
Note de bas de page:
[1] Ibid., p. 307.
[2] Ibid., p. 312.
[3] Schroeder, Rev. Henry J., O.P. 1941. Canons and Decrees of the Council of Trent (Original Text with English Translation). London: B. Herder Book Co. p. 79.
[4]Latria, i.e. l’adoration de la trinité, par opposition à la dulia, l’adoration à la Vierge Marie. McBrien, Richard P. (General Editor). 1995. HarperCollins Encyclopedia of Catholicism. New York: HarperCollins Publishers.
[5] Gibbon, Edward, Esq. Vol. 5, Chapitre XLIX, p. 397.
[6] Ibid., Vol. 6, Chapitre LIV, p. 242.
L’idolâtrie (partie 5 de 5)
Description: Comment l’idolâtrie s’est introduite au sein du christianisme. Partie 5 : quelques questions qui invitent à la réflexion.
- par Laurence B. Brown, MD
- Publié le 08 Feb 2016
- Dernière mise à jour le 08 Feb 2016
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Un défi percutant à la pensée trinitaire, initialement attribué à Theophilus Lindsey (1723–1804) et plus tard défendu par des chrétiens unitariens à travers le monde, demande à ceux qui adorent Jésus comment ils répondraient si ce dernier revenait sur terre et leur posait ces questions :
a) Pourquoi m’avez-vous adressé vos prières? Vous ai-je jamais dit de le faire ou me suis-je moi-même offert en objet d’adoration?
b) Ne vous ai-je pas, du début à la fin de ma mission et de manière constante, donné l’exemple en adressant mes prières exclusivement au Père, mon Père et le vôtre, mon Dieu et le vôtre? (Jean 20:17)
c) Quand mes disciples m’ont demandé de leur apprendre à prier (Luc 11:1-2), leur ai-je enseigné à m’adresser leurs prières? Ne leur ai-je pas enseigné à ne prier personne d’autre que le Père?
d) Ai-je jamais référé à moi-même en tant que Dieu ou dit que j’étais le créateur de l’univers et demandé à être adoré?
e) Salomon, après avoir érigé le temple, dit : « Mais est-ce qu'en vérité Dieu habiterait sur la terre, alors que le ciel dans toute son immensité ne saurait le contenir? Combien moins ce Temple que je viens de construire! » (1 Rois 8:27). Alors comment Dieu aurait-Il pu jamais habiter sur terre?
Ces questions sont très pertinentes, car les chrétiens s’attendent à ce que Jésus, lorsqu’il reviendra, reproche à de nombreux « chrétiens » d’être mécréants. Comme il est écrit dans Matthieu 7:21-23 :
« Pour entrer dans le royaume des cieux, il ne suffit pas de me dire: « Seigneur! Seigneur!» Il faut accomplir la volonté de mon Père céleste. Au jour du jugement, nombreux sont ceux qui me diront: « Seigneur! Seigneur! Nous avons prophétisé en ton nom, nous avons chassé des démons en ton nom, nous avons fait beaucoup de miracles en ton nom. » Je leur déclarerai alors: « Je ne vous ai jamais connus! Allez-vous-en, vous qui pratiquez le mal! »
Alors si Jésus reniera certains chrétiens pour avoir prophétisé, exorcisé et accompli des « miracles » en son nom (i.e. ceux qui disent « Seigneur! Seigneur! »), qui seront exactement ces mécréants?
Réponse : ceux qui « pratiquent le mal » (les paroles de Jésus et non les miennes). Car, je vous le demande, quelle loi Jésus a-t-il enseignée? Au cours de sa mission, « la volonté de mon Père au ciel » était la loi de l’Ancien Testament. Voilà ce qu’a enseigné Jésus et c’est ce à quoi il se conformait au jour le jour.
Alors où, dans ses enseignements ou dans son exemple, Jésus a-t-il enjoint ses fidèles de lui adresser leurs prières et à se soumettre à lui? Nulle part! Au contraire, la Bible reproduit ces paroles venant de lui : « Jésus lui répondit: « Il est écrit: « Tu adoreras le Seigneur, ton Dieu, et c'est à lui seul que tu rendras un culte. » (Luc 4:8). « Pourquoi m'appelles-tu bon? lui répondit Jésus. Personne n'est bon, sinon Dieu seul. » (Matthieu 9:17, Marc 10:18, et Luc 18:19) et « Si vous m'aimiez, vous seriez heureux de savoir que je vais au Père, car le Père est plus grand que moi. » (Jean 14:28)
C’est peut-être pour ces raisons que les chrétiens adressèrent, durant plus de 1800 ans, leurs prières au Père et seulement au Père. Comme le souligne Joseph Priestly, prier Jésus est une innovation moderne, éloignée des enseignements de Jésus et de la façon de faire durant des siècles :
« Par conséquent, la pratique consistant à adresser ses prières au Père exclusivement fut longtemps appliquée dans les églises chrétiennes; les brèves formules s’adressant directement au Christ, comme dans la litanie « Seigneur ait pitié de nous, Christ ait pitié de nous » ne sont venues que plus tard. Dans la liturgie clémentine, qui est la plus ancienne (quatrième siècle), il n’y a aucune trace de prières adressées à autres que Dieu. Origène, dans un traité volumineux sur le sujet de la prière, exhorte avec vigueur à prier au Père seulement et non au Christ; et comme il ne laisse aucunement entendre qu’il y avait quoi que ce soit de répréhensible dans les prières publiques, on ne peut que conclure qu’à son époque, les invocations au Christ étaient inexistantes dans les assemblées publiques chrétiennes. Ainsi, à l’exception des Moraves, dont les prières s’adressent toujours au Christ, la pratique générale et universelle des trinitaires, jusqu’à récemment, était de prier le Père uniquement.
Maintenant, sur quel principe cette pratique universelle, appliquée depuis le tout début, était-elle fondée? Qu’y a-t-il, dans la doctrine d’une trinité constituée de trois personnes égales, qui fasse mériter au Père cette distinction Le plaçant au-dessus du Fils et du Saint-Esprit?[1]
Qu’y a-t-il, en effet? Priestly rappelle un aspect peu connu de l’histoire chrétienne, à savoir que jusqu’à son époque (i.e. vers la fin du 18e siècle), « la pratique générale des trinitaires était de prier le Père uniquement ». Ceux qui se basent sur leur expérience chrétienne moderne peuvent croire, à tort, que la pratique du 21e siècle consistant à prier Jésus remonte aux premiers temps du christianisme.
Rien n’est plus éloigné de la vérité.
Durant près de 1800 ans suivant la naissance du christianisme, les prières furent adressées directement à Dieu. Ce n’est qu’en 1787, quand l’église morave, une secte protestante fondée dans la Bohème (aujourd’hui République Tchèque) du 15e siècle, subit une transformation pentecôtiste en profondeur et qu’elle se mit à adresser ses prières directement à Jésus que le phénomène commença à se répandre.
Alors pourquoi, si les trois personnes de la trinité sont considérées comme égales, une telle préférence pour le Père a-t-elle prévalu pendant si longtemps (durant les 1800 premières années du christianisme, plus exactement)? Il y a, certes, une plus grande leçon à tirer de l’uniformité des dévotions chrétiennes des dix-huit premiers siècles du christianisme que des incohérences de la théologie trinitaire.
Priestley n’est qu’un des nombreux lucides qui ont tenté de prévenir le déraillement des dévotions chrétiennes du Créateur à Sa création – Jésus, Marie, le Saint Esprit et la multitude de saints. Mais aucune analyse historique de ce sujet ne serait complète sans souligner que l’islam a toujours respecté un strict monothéisme, tel que le décrit Gibbon :
« Les Mahométans ont uniformément résisté à la tentation de réduire l’objet de leur foi et leur dévotion au niveau de leur raison et de leur imagination. « Je crois en un seul Dieu et en Mahomet, le prophète de Dieu »[2] est la seule et invariable profession de l’islam. L’image intellectuelle de la Déité n’a jamais été avilie par aucune idole visible; les honneurs du prophète n’ont jamais dépassé la mesure de la vertu humaine; et ses préceptes vivants ont restreint la gratitude de ses disciples dans les limites de la raison et de la religion. »[3]
Note de bas de page:
[1] Priestley, Joseph. 1786. The Theological and Miscellaneous Works of Joseph Priestley. Édité par John Towill Rutt. Hackney: George Smallfield. Vol VI, p. 29.
[2] IslamReligion.com: Meaning Muhammad (in Medieval Latin, Polish, or French) [Source: http://en.wikipedia.org/wiki/Mahomet]
[3]Gibbon, Edward, Esq. Vol. 5, Chapter L, p. 533.
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