Les inexactitudes de la Bible et Jean 3:16 (partie 1 de 5)

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Description: Une analyse du fameux verset biblique qui dit : « Oui, Dieu a tant aimé le monde qu'il a donné son Fils, son unique, pour que tous ceux qui placent leur confiance en lui échappent à la perdition et qu'ils aient la vie éternelle. »  Partie 1 : la fiabilité de l’Évangile selon Jean.

  • par Laurence B. Brown, MD
  • Publié le 28 Dec 2015
  • Dernière mise à jour le 01 Jul 2018
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BiblicalInaccuracy1.jpgPour plusieurs, le débat islamo-chrétien tourne autour du problème des inexactitudes contenues dans les textes bibliques.  Je suis l’un des nombreux auteurs qui ont parlé de ce sujet, que ce soit sous forme de brochures ou de livres.  Pour les besoins de cette série d’articles, j’aimerais cependant me pencher sur un seul exemple, un verset qui met en lumière plusieurs arguments utilisés dans le débat islamo-chrétien.

Les chrétiens évangélistes mettent souvent à l’avant-plan ce fameux verset Jean 3:16 (qui constitue d’ailleurs le fondement de toutes leurs croyances): « Oui, Dieu a tant aimé le monde qu'il a donné son Fils, son unique, pour que tous ceux qui placent leur confiance en lui échappent à la perdition et qu'ils aient la vie éternelle. »  C’est ce verset que vous voyez sur tous leurs produits publicitaires, que ce soient leurs t-shirts, autocollants de pare-chocs ou affiches géantes pour lesquelles ils paient lors d’événements sportifs ou publics. 

Comment expliquer cet attrait de Jean 3:16?  Eh bien, les chrétiens évangélistes souhaitent nous voir croire en la promesse d’un salut sans effort que nous fait ce verset, salut obtenu uniquement sur la base de la croyance en Jésus – ce qu’ils appellent la rédemption par la foi.  Comme nous le savons, la beauté ou l’attrait d’une proposition n’en fait pas une vérité.  Je peux proposer de nombreuses idées fantastiques, mais vous seriez bien imprudents d’y croire sans en vérifier d’abord la validité.

Alors faisons cela avec Jean 3:16 : étudions-le de près pour voir si nous devrions croire au message qu’il transmet.  S’il dit vrai, le salut bon marché qu’il offre est certainement l’occasion d’une vie.  Mais si rien ne soutient l’essence même de son message, nous serions fous de mettre en péril notre salut sur la base de cette fausse « écriture ».

Pour commencer, qui est l’auteur de ce livre du Nouveau Testament appelé « Jean »?  Jean le disciple?  Contrairement à ce que l’on pourrait croire, non.  Bart D. Ehrman écrit : « Matthieu, Marc, Luc et Jean n’ont pas rédigé les évangiles. »[1]  Il ajoute : « Des vingt-sept livres du Nouveau Testament, seuls huit peuvent être attribués aux auteurs qui les signent : les sept lettres de Paul (Romains, Corinthiens 1 et 2, Galates, Philippiens, Thessaloniciens 1 et Philémon), de même que la révélation de Jean (bien que nous ne sachions pas avec certitude qui était ce Jean). »[2]

Le renommé spécialiste de la Bible, Graham Stanton, abonde dans le même sens : « Les évangiles, contrairement à la plupart des écrits gréco-romains, sont anonymes.  Les titres qui sont devenus familiaux aux gens et qui semblent fournir le nom de l’auteur (l’Évangile selon…) ne faisaient pas partie des manuscrits originaux; ils furent ajoutés au début du second siècle. »[3]  Par qui?  « Par des inconnus au sein de l’église de l’époque.  Dans la plupart des cas, les noms sont des suppositions ou, peut-être, le produit de vœux pieux. »[4]  Ce qui n’est pas du tout le degré d’exactitude scolastique auquel on s’attend d’un livre qui se présente comme une révélation divine.

Le fait que « L’Évangile selon Jean » ne fut pas rédigé par Jean le disciple n’est pas connu des profanes.  Néanmoins, Ehrman affirme : « La plupart des spécialistes, de nos jours, ont abandonné ces identifications et reconnaissent que ces livres furent rédigés certes par des inconnus, mais par des chrétiens relativement éduqués et de langue grecque au cours de la deuxième moitié du premier siècle. »[5]

De nombreuses sources reconnaissent qu’il n’y aucune preuve, à part quelques témoignages douteux d’auteurs du second siècle, démontrant que le disciple Jean fut à l’origine de « l’Évangile selon Jean ».[6],[7]  Sans compter que le verset Actes 4:13 affirme sans détour que Jean était illettré.

Stanton pose cette question percutante : « La décision d’accepter les noms de Matthieu, Marc, Luc et Jean était-elle acceptable?  De nos jours, il est généralement reconnu que ni l’évangile de Matthieu ni celui de Jean ne furent rédigés par des apôtres et que Marc et Luc n’ont probablement jamais connu aucun des apôtres. »[8]

Le professeur Ehrman est plus direct : « Des spécialistes à l’esprit critique s’accordent, aujourd’hui, pour affirmer que Matthieu n’a pas rédigé le premier Évangile ni Jean le quatrième et que Pierre n’a pas écrit 2Pierre et probablement même pas le premier. Et aucun autre livre du Nouveau Testament ne prétend avoir été rédigé par l’un des disciples de Jésus. »[9]  Pourquoi, alors, les quatre évangiles portent-ils les noms de Matthieu, Marc, Luc et Jean?  Certains érudits suggèrent quelque chose de semblable à une stratégie de marketing visant à vendre un produit en utilisant le nom d’une personne connue.[10]  Les chrétiens du deuxième siècle, qui optèrent pour ces quatre évangiles, avaient le choix : soit reconnaître leur caractère anonyme, soit leur attribuer un auteur.  Le bluff s’avéra irrésistible et ils choisirent donc d’attribuer ces évangiles à certaines autorités apostoliques, leur conférant ainsi un caractère officiel.

Au final, nous n’avons aucune preuve démontrant qu’aucun des livres de la Bible, y compris les évangiles, fut rédigé par des disciples de Jésus.  De plus, la plupart des érudits ne reconnaissent la plume de Paul que dans la moitié des écrits qui lui sont attribués.  Mais peu importe qui a rédigé quoi, les altérations et les incohérences ont mené à plus de variantes qu’il n’y a de mots dans le Nouveau Testament!  D’ailleurs, les érudits eux-mêmes n’arrivent pas à s’entendre sur le sujet.[11]  Pourquoi?  Parce que « les considérations dépendent des probabilités et parfois, le critique textuel doit soupeser un ensemble de probabilités par opposition à un autre. »[12]  De plus, en ce qui concerne les problèmes textuels plus complexes, « les probabilités sont divisées plus également et le critique doit se contenter de choisir le texte le moins insatisfaisant ou encore admettre qu’il n’y a aucun fondement justifiant de choisir un texte plutôt qu’un autre. »[13]

Pour pousser cette pensée un peu plus loin : « À l’occasion, aucune des variantes ne semble acceptable et le critique textuel sera forcé soit de choisir celle qui semble la moins insatisfaisante, soit de s’enliser dans des corrections et des amendements conjecturaux. »[14]

Humm.  « Amendements conjecturaux », n’est-ce pas là une autre appellation pour « déduction logique »?

Alors peut-être ne devrions-nous pas nous étonner que, comme Jérémie se plaignait des « fausses plumes » des scribes de l’Ancien Testament, le père de l’église du troisième siècle, Origène, se plaignait des « fausses plumes » des scribes du Nouveau Testament : « Les différences entre les manuscrits sont devenues importantes, soit par la négligence de certains copistes ou par l’audace perverse de certains autres parmi eux; soit ils négligent de vérifier ce qu’ils ont transcrit ou encore, lors de la vérification, ils font des ajouts ou des suppressions comme ils l’entendent. »[15]  C’est ce que disait un père de l’église du troisième siècle en commentant les deux premiers siècles du christianisme.  On ne peut que se demander à quel point la situation s’est empirée depuis.  C’est ce dont nous discuterons dans le prochain article.

Au sujet de l’auteur :


Laurence B. Brown a rédigé divers articles et livres et l’adresse de son site web officiel est www.leveltruth.com



Note de bas de page:

[1] Ehrman, Bart D.  2009.  Jesus, Interrupted.  HarperOne.  p.  5.

[2] Ehrman, Bart D.  Jesus, Interrupted.  p.  112.

[3] Stanton, Graham N.  1989.  The Gospels and Jesus (Les Évangiles et Jésus).  Oxford University Press.  p.  19.

[4] Funk, Robert W., Roy W.  Hoover, and the Jesus Seminar.  The Five Gospels: The Search for the Authentic Words of Jesus (Les cinq Évangiles: une quête des paroles authentiques de Jésus).  p.  20.

[5] Ehrman, Bart D.  2005.  Lost Christianities (Christianismes perdus).  Oxford University Press.  p.  235.

[6] Kee, Howard Clark (Notes and References by).  1993.  The Cambridge Annotated Study Bible, New Revised Standard Version.  Cambridge University Press.  Introduction to gospel of "John." (Introduction à l’Évangile de "Jean")

[7] Butler, Trent C.  (General Editor).  Holman Bible Dictionary (Dictionnaire Holman de la Bible).  Nashville: Holman Bible Publishers.  Under "John, the Gospel of."

[8] Stanton, Graham N.  pp.  134–135.

[9] Ehrman, Bart D.  Lost Christianities.  p.  236.

[10] Ibid., p.  235.

[11] Metzger, Bruce M.  A Textual Commentary on the Greek New Testament (Commentaire textuel sur le Nouveau Testament grec).  Introduction, p.  14.

[12] Ibid., p.  11.

[13] Metzger, Bruce M.  and Ehrman, Bart D.  The Text of the New Testament: Its Transmission, Corruption, and Restoration (Le texte du Nouveau Testament: sa transmission, sa corruption et sa restauration).  p.  316.

[14] Ibid., p.  343.

[15] Metzger, Bruce M.  1963.  "Explicit References in the Works of Origen to Variant Readings in New Testament Manuscripts," in J.  N.  Birdsall and R.  W.  Thomson (ed.), Biblical And Patristic Studies In Memory Of Robert Pierce Casey.  Herder: Frieburg.  pp.  78–79.

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