L’intérêt et son rôle au sein de l’économie et de la vie en général (partie 1 de 8) : Introduction
Description: Point de vue islamique sur le rôle de l’intérêt dans la société d’aujourd’hui, suivi d’une étude historique et contemporaine de l’intérêt. Partie un : raison pour laquelle les musulmans interdisent l’intérêt en dépit du fait que les sécularistes juifs et chrétiens appellent à sa légalisation.
- par Jamaal al-Din Zarabozo (© 2011 IslamReligion.com)
- Publié le 14 Feb 2011
- Dernière mise à jour le 28 Apr 2013
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Introduction
L’Oxford English Dictionary définit l’intérêt comme suit : « Argent payé par le débiteur au créancier pour l’usage de l’argent prêté, ou pour l’attente du remboursement d’une dette, selon un taux fixe. »[1]
La majorité des gens, de par le monde, connaissent fort bien le fardeau que représente l’intérêt. Quiconque vit dans une société capitaliste connaît le principe de l’intérêt. Il est devenu si institutionnalisé et accepté au sein de l’économie moderne qu’il est difficile, voire impossible, pour beaucoup de gens, de concevoir que certaines personnes s’y opposent totalement et refusent toute transaction dans laquelle on retrouve de l’intérêt, sous quelque forme que ce soit. Il existe pourtant de nombreux musulmans qui refusent de participer à ce système.
La raison pour laquelle ces musulmans refusent les transactions à intérêt est que l’intérêt est interdit par l’islam. Les musulmans croient que les règles de Dieu sont basées sur Son savoir infini, de même que sur Sa sagesse et Sa justice. En d’autres termes, Dieu n’impose pas d’interdictions aux hommes sans qu’elles ne soient pleinement justifiées. Il existe donc de sérieux motifs pour lesquels Dieu a interdit cette pratique.
De nos jours, les musulmans sont souvent bombardés d’arguments en faveur de l’intérêt. Et nombreux sont ceux qui ont déjà succombé à cette pression et à ces soi-disant arguments logiques, jusqu’à accepter le concept même de l’intérêt.
Cette série d’articles décrira le point de vue islamique sur l’intérêt, basé sur les textes fondamentaux de l’islam, et évaluera de façon rationnelle les différents arguments en faveur de l’intérêt.
Dieu, guide de l’humanité
L’islam enseigne que Dieu, dans Sa miséricorde, a guidé les hommes dans toutes les sphères de leur vie, qui comprennent, entre autres, le spirituel, l’économie, l’éthique des affaires, la vie conjugale, les relations internationales et l’éthique de la guerre. Un des traits qui, de nos jours, distinguent les musulmans du commun des mortels est qu’ils croient toujours à ces règles établies par Dieu, tandis que la majorité des gens ont depuis longtemps rejeté les enseignements de leur religion qui entrent en conflit avec les questions « laïques ».
Plusieurs raisons expliquent qu’un grand nombre de musulmans ait refusé de suivre la même voie que beaucoup de juifs et de chrétiens, entre autres. L’une des raisons principales est que les musulmans ne doutent pas un instant que la révélation qui forme le fondement de l’islam n’a jamais été modifiée d’aucune manière depuis l’époque où elle fut transmise à l’humanité. Autrement dit, il n’y a eu aucune intervention humaine dans cette révélation. Les musulmans n’ont donc pas besoin, aujourd’hui, de tenter de corriger des erreurs commises par des personnes du passé, comme aiment à le suggérer les sécularistes juifs et chrétiens. Le seul résultat auquel arriveraient les musulmans en cherchant à « réparer des erreurs du passé » [qui, de toute façon, n’existent pas] serait de déformer la révélation de Dieu.
Ensuite, la majorité des musulmans considèrent que nul ne leur a apporté de preuve convaincante ou irréfutable démontrant que leur religion est déconnectée de la réalité ou impossible à appliquer à notre époque. Nombreux sont ceux qui reconnaissent, par exemple, que l’islam n’a jamais été en conflit avec la science, alors qu’un tel conflit entre la science et la religion a mené, chez les chrétiens, à une perte de confiance généralisée envers l’Église et à une rébellion contre l’autorité de la religion en Occident.[2] De nombreuses personnes, et parmi elles quelques musulmans, ont réclamé des changements dans l’islam; mais les arguments qu’elles ont avancés pour soutenir leur point de vue sont assez peu solides, quand ils ne contiennent pas des informations carrément erronées. Le cas qui nous intéresse, c’est-à-dire le sujet de cet article, est un parfait exemple de cette nature.
Bien que ces derniers temps l’islam ait été cité maintes fois, dans les médias, l’auteur de cet article s’étonne de constater que la majorité des non-musulmans ne connaissent pas le point de vue de l’islam sur l’intérêt. Cet article fait la lumière sur ce sujet important, qui n’est pas un sujet « médiéval » dépassé, mais un sujet très pertinent dans le monde d’aujourd’hui.
Footnotes:
[1] Oxford English Dictionary Software (Oxford, England: Oxford University Press, 2002), entry, “interest.” (Traduction libre)
[2] Le livre de John William Draper intitulé History of the Conflict between Religion and Science (Order of Thelemic Knights, 2005), est un ouvrage classique sur l’histoire de l’expérience chrétienne/européenne du conflit entre la religion et la science. Notez que le titre de son ouvrage devrait être corrigé, car il s’agit plutôt de l’histoire du conflit entre la science et le christianisme, en Europe. Dans un autre ouvrage intitulé A History of the Intellectual Development of Europe (Honolulu, Hawaii: University Press of the Pacific, 2002), ce même John William Draper divise l’histoire de l’Europe en deux époques, l’âge de la foi et l’âge de la raison, mettant en relief, encore une fois, le conflit entre la raison et la science, d’un côté, et la foi, de l’autre côté, au sein du christianisme en particulier, mais aussi du judaïsme.
L’islam n’a jamais connu une telle crise. À vrai dire, le fait que l’islam ait toujours été en parfaite cohérence avec la science moderne en a amené plus d’un à se convertir à cette religion. On pense, entre autres, au professeur Tejatat Tejasen, de l’Université Chiang Mai, en Thaïlande, qui a étudié le lien entre l’islam et la science moderne et qui a fini par déclarer ce qui suit :
"Durant les trois dernières années, je me suis intéressé au Coran... D'après mes études et ce que j'ai appris au cours de cette conférence, je crois que tout ce qui a été rapporté dans le Coran, il y a quatorze siècles, est la vérité, qui peut être prouvée par des moyens scientifiques. Comme le prophète Mohammed ne pouvait ni lire ni écrire, Mohammed est nécessairement un messager qui a transmis cette vérité, qui lui a été révélée à titre d'édification par le Créateur. Ce Créateur est Dieu. Par conséquent, je crois qu'il est temps, pour moi, de déclarer... [ici, le professeur prononce l’attestation de foi qui le fait entrer dans l’islam]. » Extrait du Petit Guide Illustré Pour Comprendre L’islam, d’I.A. Ibrahim (Houston: Darussalam, 1997). Cet ouvrage se trouve au www.islam-guide.com/fr et on y retrouve les commentaires et conclusions de plusieurs autres hommes de science.
L’intérêt et son rôle au sein de l’économie et de la vie en général (partie 2 de 8) : Le point de vue de l’islam
Description: Point de vue islamique sur le rôle de l’intérêt dans la société d’aujourd’hui, suivi d’une étude historique et contemporaine de l’intérêt. Partie deux : coup d’œil sur certains textes tirés du Coran et de la sounnah, qui mettent sévèrement en garde contre l’intérêt.
- par Jamaal al-Din Zarabozo (© 2011 IslamReligion.com)
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Les textes islamiques sur l’intérêt
Lorsqu’on lit les textes islamiques qui traitent de l’intérêt, on est tout de suite frappé par la sévérité des mises en garde contre cette forme de transaction financière. L’islam interdit un certain nombre d’actes immoraux comme la fornication, l’adultère, l’homosexualité, la consommation d’alcool et le meurtre. Mais le nombre de discussions et la sévérité des mises en garde pour ces actes ne sont rien comparativement à celles relatives à l’intérêt. Une telle constatation a d’ailleurs poussé Sayyid Qutb à écrire : « Aucun autre acte n’a été dénoncé et condamné, dans le Coran, aussi rigoureusement que l’intérêt. »[1]
Dans le Coran, par exemple, on retrouve les versets suivants, au sujet de l’intérêt[2]:
« Ô vous qui croyez! Ne dévorez pas d’intérêts usuraires en multipliant (la somme prêtée). Craignez Dieu; peut-être réussirez-vous. Et craignez le Feu préparé pour les mécréants. » (Coran 3:130-131)
Cette mise en garde sévère servie aux croyants laisse entrevoir une conséquence terrible : être jeté dans le feu de l’Enfer, préparé pour les mécréants.
Dans le Coran, Dieu dit également :
« Ceux qui vivent de l’intérêt usuraire seront ressuscités (au Jour dernier) comme des gens que le toucher de Satan a rendus déments. Cela parce qu’ils disent : « Le commerce est comme l’intérêt », alors que Dieu a permis le commerce mais interdit l’intérêt usuraire. Celui qui, ayant reçu une exhortation de son Seigneur, cessera (par obéissance) pourra conserver (les profits) qu’il a acquis par le passé; et son affaire, dorénavant, est entre les mains de Dieu. Quant à celui qui récidivera… les voilà les gens du Feu, dans lequel ils demeureront éternellement. Dieu réduira à néant l’intérêt usuraire et fera fructifier les aumônes. Et Dieu n’aime pas le pécheur qui se complaît dans l’infidélité. » (Coran 2:275-276)
Plusieurs points sont à souligner, dans ces versets. Commentant la première partie du verset ci-dessus, Maudoodi a écrit :
Tout comme une personne folle, non retenue par la raison, a recours à toutes sortes d’actes immodérés, de même celui qui prend de l’intérêt. Il se livre entièrement à sa passion pour l’argent, comme s’il était fou. Peu lui importe que l’intérêt tue les fondements même de l’amour entre les hommes, de la fraternité et de la sympathie pour autrui, qu’il sape le bien-être et le bonheur de la société dans son ensemble ou que son enrichissement se fasse au détriment du bien-être d’autrui. Tel est l’état de sa folie en ce monde. Et comme chacun ressuscitera, dans l’au-delà, dans le même état où il était au moment de sa mort, il sera ressuscité en tant que dément.[3]
Par ailleurs, il ressort clairement de ces versets qu’il y a une différence entre les transactions financières légitimes et l’intérêt. Cette différence est si évidente que le Coran ne prend même pas la peine de l’expliquer. Ensuite, il est clairement mentionné que « Dieu réduira à néant l’intérêt usuraire et fera fructifier les aumônes ». Il s’agit là d’une des lois de Dieu, que les hommes ne comprennent pas toujours. Car les effets négatifs ultimes de l’intérêt usuraire sur les individus, la société et l’humanité, à la fois dans cette vie et dans l’au-delà, ne sont connus que de Dieu. Nous verrons tout de même, plus loin, quelques-uns de ces effets négatifs confirmant la vérité de ces versets. Pour souligner la signification de ces versets, le Prophète (que la paix et les bénédictions de Dieu soient sur lui) a dit : « L’intérêt – même s’il est d’un montant important – finira par ne rapporter qu’une somme médiocre. »[4] Il ne fait aucun doute que, dans l’au-delà, lorsque les hommes rencontreront leur Seigneur, tout ce qu’ils auront amassé par de tels moyens illégaux sera la source de leur propre destruction.
Peu après les versets cités ci-dessus, Dieu ajoute :
« Ô vous qui croyez! Craignez Dieu et laissez tomber ce qui vous est dû de l’intérêt usuraire, si vous êtes (vraiment) croyants. Si vous ne le faites pas, soyez avertis d’une guerre que vous déclareront Dieu et Son messager. Mais si vous vous repentez, il vous restera vos capitaux (sans intérêts). Ne lésez personne et vous ne serez point lésés. » (Coran 2:278-279)
Quelle personne saine d’esprit irait s’exposer de son plein gré à une déclaration de guerre de la part de Dieu et de Son messager? Car on ne peut imaginer de pire menace que celle-là. À la fin du verset, Dieu nous fait comprendre pourquoi l’intérêt est interdit : il s’agit d’un moyen par lequel les gens se causent du tort les uns aux autres. Le terme arabe utilisé dans le verset est dhoulm, qui signifie une personne qui en lèse une autre ou qui l’opprime, ou une personne qui cause du tort à son âme. Ce verset démontre que l’interdiction de l’intérêt n’est pas qu’une simple règle décidée par Dieu sans aucune raison logique. L’intérêt est bel et bien nuisible et c’est pourquoi il a été interdit.
De son côté, le prophète Mohammed (que la paix et les bénédictions de Dieu soient sur lui) a fait plusieurs déclarations au sujet de l’intérêt. Dans la déclaration suivante, il exprime clairement la gravité d’un tel péché :
« Évitez les sept péchés qui poussent l’homme à sa destruction : attribuer des associés à Dieu, pratiquer la sorcellerie, tuer une personne que Dieu a interdit de tuer – sauf lorsque permis par la loi – faire affaire avec les intérêts, dévorer les biens de l’orphelin, fuir lorsque deux armées se rencontrent et calomnier des croyantes chastes et innocentes. » (al-Boukhari et Mouslim)
Ces deux autres déclarations du Prophète (que la paix et les bénédictions de Dieu soient sur lui) devraient suffire à convaincre tout individu craignant Dieu de se tenir éloigné de l’intérêt sous toutes ses formes. Le Prophète, donc, a dit :
« [L’équivalent] d’une seule pièce [d’argent] en intérêt sciemment consommé par une personne est pire, aux yeux de Dieu, que trente-six relations sexuelles illicites. » (at-Tabarani et al-Hakim)
Jaabir a rapporté que le messager de Dieu (que la paix et les bénédictions de Dieu soient sur lui) a maudit celui qui reçoit de l’intérêt, celui qui paie de l’intérêt, ceux qui sont témoins [du contrat à intérêts] et ceux qui mettent [ce contrat] par écrit. Puis, il a ajouté : « Ils sont tous pareils. » (Mouslim)
C’est un principe de base, en islam : si une chose est interdite, le musulman ne doit y participer ni l’appuyer d’aucune façon. Comme l’intérêt est interdit, il est également interdit de servir de témoin pour de tels contrats, de les mettre par écrit, etc. Le Prophète a également dit très clairement qu’il n’y a aucune différence entre celui qui paie de l’intérêt et celui qui en reçoit. Cela parce qu’ils sont tous deux impliqués dans un acte méprisable et qu’ils sont donc, par conséquent, tous deux coupables.
Le prophète Mohammed (que la paix et les bénédictions de Dieu soient sur lui) a également dit :
« Si les relations sexuelles illicites et l’intérêt deviennent ouvertement répandus dans une cité, les gens qui s’y trouvent se sont eux-mêmes exposés au châtiment de Dieu. » (at-Tabarani, al-Hakim)
Cette affirmation fait référence à l’une des « lois sociétales » de Dieu. En effet, Son châtiment peut prendre diverses formes, en ce monde comme dans l’au-delà.
Footnotes:
[1] Sayyid Qutb, In the Shade of the Quran (Markfield, Leicester, England: The Islamic Foundation, 1999), vol. 1, p. 355.
[2] Le terme arabe utilisé dans ces versets est ribaa, qui peut être défini comme « un excès et un ajout; un ajout à la somme principale [qui est prêtée ou dépensée] ».
Certains traducteurs du Coran (incluant Abdoullah Yusuf Ali, Pickthall, Khan et al-Hilali) ont choisi de traduire le terme ribaa par « intérêt » ou « usure ». Cela a mené à une certaine confusion, même chez les musulmans occidentaux. L’ Oxford English Dictionary définit l’usure comme « le fait ou la pratique consistant à prêter de l’argent à intérêt et, plus tard, la pratique de charger, de prendre ou de recevoir des taux d’intérêt excessifs ou illégaux pour de l’argent prêté. » En d’autres termes, il fut un temps où le terme « usure » équivalait à l’acte de prêter de l’argent à intérêt, à une époque où c’était considéré comme un acte méprisable. Puis, après que l’intérêt fut rendu légal, le terme « usure » fut plutôt défini comme « prêter à taux excessifs ou illégaux ». En termes contemporains, le terme arabe ribaa doit être traduit par « intérêt », puisqu’il inclut tous les paiements versés en supplément de la somme principale.
[3] Sayyid Abu Ala Mawdudi, Towards Understanding the Quran (Leicester, United Kingdom: The Islamic Foundation, 1988), vol. 1, p. 213.
[4] Rapporté par al-Hakim. Voir al-Albani, Sahih al-Jami al-Sagheer, vol. 1, p. 664, hadith no. 3543.
L’intérêt se résume à amasser toujours plus d’argent et ce, presque toujours sans que cet argent ne subisse de risque. Mais à long terme, une telle pratique ne rend pas nécessairement heureux : « Un sondage rapporté dans le Business Week du 16 octobre 2000 conclut que l’argent n’achète pas le bonheur et que le mode de vie moderne et ses contrecoups sont à la source d’une augmentation du mécontentement, chez les gens. Selon cette étude, même s’il y a eu une augmentation des salaires per capita entre 1970 et 1998, les Américains sont devenus moins heureux. Les nouvelles tendances sociales ont porté ombrage aux gains matériels. Selon l’étude, même si un salaire plus élevé est plus susceptible de créer un sentiment de bonheur, un tel impact demeure étonnamment faible; des facteurs tels que le genre et le statut jouent un rôle plus important à ce niveau.
Une autre découverte de cette étude est que les femmes sont plus malheureuses que les hommes. L’augmentation des divorces et des séparations a un impact négatif sur les familles et sur l’équilibre mental de ses membres. Business Week conclut ainsi : « [Cette étude] suggère à tout le moins que ceux qui croient que le revenu garantit à lui seul le bonheur se font des illusions. Et elle suggère également que certains aspects de la nouvelle économie, comme une augmentation des périodes de chômage et une plus grande iniquité salariale, ont des coûts psychologiques non négligeables. » Abdulhay Y. Zalloum, Painting Islam as the New Enemy: Globalization & Capitalism in Crisis (Technology One Group S.A. 2002), p. 357.
L’intérêt et son rôle au sein de l’économie et de la vie en général (partie 3 de 8) : La religion et les premiers penseurs
Description: L’intérêt et l’usure dans la Bible (judaïsme et christianisme) et selon les premiers penseurs.
- par Jamaal al-Din Zarabozo (© 2011 IslamReligion.com)
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Évidemment, l’islam n’est pas la seule religion qui ait banni l’intérêt et qui le considère comme méprisable. L’interdiction de l’intérêt – du moins jusqu’à un certain point – est une loi bien connue à la fois dans l’Ancien et le Nouveau Testament de la Bible. Plusieurs passages de l’Ancien Testament font référence à l’usure ou à l’intérêt. (Encore une fois, les termes « usure » et « intérêt » avaient la même signification, à l’époque, et ce n’est qu’avec le temps que le terme « usure » a fini par faire référence à un montant d’intérêt exorbitant ou illégal. Tel que nous le verrons plus loin, l’American Standard Version de la Bible utilise le terme « intérêt » là où la King James Version utilise le terme « usure ».)
Le Deutéronome 23:20-21 se lit comme suit :
« 20 Lorsque tu prêteras de l'argent, des vivres ou toute autre chose à un compatriote, vous n'exigerez pas d'intérêt de sa part.
21 Vous pouvez exiger des intérêts lorsque vous faites un prêt à un étranger, mais vous ne prêterez pas à intérêt à vos compatriotes. Alors l'Eternel votre Dieu vous bénira dans tout ce que vous entreprendrez dans le pays où vous allez entrer pour en prendre possession. »
De même, on peut lire ce qui suit dans Exode 22:24 :
« 24 Si tu prêtes de l'argent à un membre de mon peuple, à un pauvre qui est avec toi, tu n'agiras pas envers lui comme un usurier, tu n'en exigeras pas d'intérêts. »
Le Lévitique 25:37 se lit, quant à lui, comme suit :
« 37 Si tu lui prêtes de l'argent, tu n'en exigeras pas d'intérêt et si tu lui donnes de tes vivres, tu n'en tireras pas de profit. »
Dans Jérémie 15 :10, le prophète se plaint d’être maudit alors qu’il n’a jamais rien fait de mal comme prendre de l’intérêt, laissant ainsi entendre qu’une malédiction contre lui serait appropriée s’il était de ceux qui prennent de l’intérêt. Le verset sur l’intérêt qui est probablement le plus sévère, dans la Bible, est Ézéchiel 18:13 :
« 13 Ou encore, il prête à un taux usuraire et retient des intérêts. Ce fils-là vivrait-il? Non, vous dis-je, il ne vivra pas. Puisqu'il a commis toutes ces choses abominables, il mourra et il sera seul responsable de sa mort. »
En plus des versets susmentionnés, il en existe plusieurs autres interdisant l’intérêt.[1] L’Easton’s Bible Dictionary résume ainsi la loi de Moïse sur l’intérêt :
Selon la loi de Moïse, quand un Israélite avait besoin d’emprunter, il demandait à ce que le prêt lui soit fait gratuitement, c’est-à-dire sans que des intérêts lui soient chargés. Cependant, des intérêts pouvaient être perçus d’un étranger (Exode 22:25; Deutéronome 23:19,20; Lévitique 25:35-38). Au bout de sept ans, toute dette était oubliée, mais son remboursement pouvait être exigé s’il s’agissait d’un étranger. À une époque ultérieure de la communauté hébraïque, lorsque le commerce augmenta, la pratique d’exiger des intérêts sur les prêts augmenta de même, tout comme celle des cautionnements, au sens commercial. Mais le fait d’en exiger le remboursement à un Hébreu était considéré comme déshonorant (Psaumes 15:5; Proverbes 6:1,4; 11:15; 17:18; 20:16; 27:13; Jérémie 15:10).
Malheureusement, comme c’est souvent le cas pour les questions pratiques, le Nouveau Testament demeure relativement vague au sujet de l’intérêt. Selon l’Encyclopedia of Religion and Ethics, « il n’existe pas de préceptes clairs [sur l’intérêt] pour guider la conscience chrétienne. »[2]
Cependant, dans les enseignements attribués à Jésus, dans le Nouveau Testament, certains passages semblent prendre clairement position contre l’intérêt. Dans l’un de ces passages, on rapporte que Jésus aurait dit :
« Vous, au contraire, aimez vos ennemis, faites-leur du bien et prêtez sans espoir de retour. Alors votre récompense sera grande, vous serez les fils du Très-Haut, parce qu'il est lui-même bon pour les ingrats et les méchants. » (Luc 6:35)
En fait, ce que dit ce passage, aux chrétiens, c’est de prêter de l’argent sans espérer récupérer le montant prêté. Cela fait peut-être partie de ce que l’on appelle les « paroles dures » de Jésus et il est bien connu que les spécialistes de la Bible ne s’entendent pas sur l’interprétation et l’application de tels passages.[3]
Dans Matthieu 25:14-28, il y a une longue parabole dans laquelle un homme donne diverses sommes d’argent (appelées « lingots ») à différents serviteurs. Certains l’investissent et lui ramènent plus que ce qu’il leur avait donné. Mais la personne à qui il ne donne qu’un lingot est ainsi décrite dans le verset 18 :
« Quant à celui qui n'en avait reçu qu'un, il s'en alla creuser un trou dans la terre pour y cacher l'argent de son maître. »
Lorsque le maître de ces serviteurs les rappelle, plus tard, et leur demande ce qu’ils ont fait de l’argent, celui qui n’avait reçu qu’un lingot répond :
24 «Maître, je savais que tu es un homme dur: tu moissonnes là où tu n'as rien semé, tu récoltes où tu n'as pas répandu de semence. 25 Alors, j'ai pris peur et je suis allé cacher ton argent dans la terre. Voilà: prends ce qui t'appartient.» (Matthieu 25:24-25).
Alors son maître réplique durement :
26 «Vaurien! Fainéant! Tu savais que je moissonne là où je n'ai rien semé et que je récolte là où je n'ai pas répandu de semence?! 27 Eh bien, tu aurais dû placer mon argent chez les banquiers et, à mon retour, j'aurais récupéré le capital et les intérêts. 28 Qu'on lui retire donc le lingot et qu'on le donne à celui qui en a déjà dix.» (Matthieu 25:26-28).
Commentant ce passage, la Geneva Study Bible écrit :
Les banquiers qui installent leurs tables ou leurs échoppes à l’étranger, où ils prêtent de l’argent à intérêt. L’usure ou le prêt à intérêt est strictement interdit par la Bible (Exode 22:25-27; Deutéronome 23:19-20). Même à un taux aussi bas que un pourcent, l’intérêt est interdit (Néhémie 5:11). Ce serviteur mentit à deux reprises. D’abord, il affirma que son maître était dur et austère. C’est un mensonge, car le Seigneur est miséricordieux et compatissant. Ensuite, il traita son maître de voleur car il récoltait là où il n’avait pas répandu de semence. Son maître lui demanda alors, avec sarcasme, pourquoi il n’avait pas ajouté l’insulte à l’injure en prêtant l’argent à intérêt, de sorte qu’il aurait pu aussi accuser son maître de tremper dans l’usure. Si le serviteur avait fait cela, son maître aurait été tenu responsable des actions de ce dernier et coupable d’usure.
Sur la base des Ancien et Nouveau testaments, les premiers conciles de l’Église interdirent l’intérêt. Et, avec le temps, il fut interdit à tous les chrétiens, et non seulement au clergé, de faire affaire avec des intérêts. Des pères chrétiens, tels Saint-Thomas d’Aquin[4], traitèrent de la question de l’intérêt en détail. Le Décret de Gratien comme, plus tard, le Troisième concile du Latran (1179), ordonna que « les usuriers ne soient pas admis à la communion et ne soient pas enterrés selon les rites chrétiens s’ils meurent en état de péché. »[5] Le Quatrième concile du Latran (1215) condamna l’usure, mais la permit pour les juifs. Les catholiques continuèrent de s’y opposer fermement jusqu’au 19e siècle. Martin Luther, leader protestant du 16e siècle, condamna lui aussi l’usure, mais on prétend qu’il la permit en prétextant la faiblesse humaine.[6] Parmi les leaders chrétiens, Jean Calvin fut plus que tout autre le précurseur d’une vision plus souple sur l’intérêt. Petit à petit, la législation civile se libéra du droit canon et l’intérêt devint de plus en plus institutionnalisé.
Il n’y a pas que les penseurs judéo-chrétiens qui condamnèrent l’intérêt. Même les philosophes grecs le voyaient d’un œil négatif. Aristote, de même que d’autres grands philosophes grecs, le condamnèrent fermement. L’économiste autrichien Eugen bon Böhm bon Bawerk (également connu sous le nom de Boehm-Bawerk) écrit, dans son important ouvrage intitulé Capital and Interest :
L’hostilité du monde antique s’exprima de maintes façons, dont un certain nombre de lois interdisant de prendre de l’intérêt et les paroles parfois fortuites de philosophes tels que Platon, Aristote, les deux Caton, Cicéron et Sénèque, entre autres. Les philosophes grecs ne percevaient l’argent que comme un moyen d’échange et s’opposaient à la productivité des prêts monétaires. Une pièce de monnaie ne peut en engendrer une autre, telle était la doctrine d’Aristote. Sa conclusion évidente était que l’intérêt était profondément injuste.[7]
Au départ, l’Empire romain avait lui aussi interdit de charger de l’intérêt. Avec la montée des classes commerciales, cet interdit s’assouplit quelque peu, bien qu’il y eut toujours de sévères restrictions sur les prêts à intérêt, de même que des lois pour protéger les débiteurs.
Shylock, le personnage créé par Shakespeare, dans le Marchand de Venise (pièce rédigée peu avant 1600), démontre à quel point les prêteurs à intérêt étaient méprisés. La question qui nous monte évidemment aux lèvres est comment l’intérêt est-il passé de chose méprisable et interdite à une pratique socialement acceptée et institutionnalisée?
Footnotes:
[1] L’Ancien Testament nous apprend également que même s’il était interdit aux juifs de prendre de l’intérêt, ils s’en rendaient régulièrement coupables. Voir Néhémie 5:6-7 et Ézéchiel 22:12.
[2]Citation d’Abdelmoneim El-Gousi, “Riba, Islamic Law and Interest” (Ph.D. Dissertation, Temple University, 1982), p. 113.
[3] Ces paroles représentent-elles un code perfectionniste, un idéal impossible à atteindre, une « éthique par intérim » ou autre? Les érudits chrétiens ne sont pas arrivés à se mettre d’accord sur les réponses à ces questions.
Cf., Lisa Sowle Cahill, Love Your Enemies: Discipleship, Pacifism, and Just War Theory (Minneapolis, MN: Fortress Press, 1994), p. 27.
[4] On peut trouver un compte-rendu de la pensée de Saint Thomas d’Aquin, sur l’intérêt, dans l’ouvrage de Rodney Wilson, Economics, Ethics and Religion: Jewish, Christian and Muslim Economic Thought (Washington Square, New York: New York University Press, 1997), pp. 82-85. En réalité, cependant, Saint Thomas d’Aquin fut lourdement influencé par les pensées romaine et grecque antérieures au christianisme.
[5] El-Gousi, p. 114.
[6] Cf., Anwar Iqbal Qureshi, Islam and the Theory of Interest (Lahore, Pakistan: Sh. Muhammad Ashraf Publications, 1974), p. 8.
[7] Boehm Bawerk, Capital and Interest (1959), Vol. I, pp. 10-11, Afzal-ur-Rahman, Economic Doctrines of Islam (Lahore, Pakistan: Islamic Publications Limited, 1976), vol. III, p. 11. Voir aussi Qureshi, p. 6; El-Gousi, p. 114.
L’intérêt et son rôle au sein de l’économie et de la vie en général (partie 4 de 8) : De l’interdiction à la justification
Description: Comment une chose aussi méprisée que l’intérêt peut-elle être justifiée, et même devenir une norme en étant institutionnalisée .
- par Jamaal al-Din Zarabozo (© 2011 IslamReligion.com)
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Avec le temps, on finit par considérer que l’interdiction de l’intérêt n’était rien d’autre qu’un dogme religieux qui devait être aboli. On ne pouvait plus laisser la religion mener l’économie. C’est en tout cas le sentiment exprimé, entre autres, par le célèbre économiste Richard Tawney, lorsqu’il dit : « C’est toute la pensée médiévale qui cherchait à inclure les affaires économiques dans une hiérarchie de valeurs englobant tous les intérêts et toutes les activités, dont le sommet était la religion. »[1] Mais il semble, cependant, que le changement d’attitude et de perception qui s’imposa petit à petit n’était pas fondé uniquement sur des raisons économiques. Lawrence Dennis écrit :
Aristote, les canonistes catholiques romains, la Torah juive... ont tous interdit les prêts à intérêt et dénoncé l’intérêt comme équivalent à l’usure. Le prêt à intérêt a connu un essor lors de l’époque médiévale, d’abord et avant tout pour accommoder des princes qui avaient besoin d’argent pour les guerres et autres projets publics, et qui n’arrivaient pas à collecter suffisamment de fonds. Contrairement à une idée reçue, le système de prêts ne fut pas développé, à l’origine, pour financer le commerce. Les Vénitiens, les Allemands, les Britanniques et la Ligue Hanséatique finançaient leurs opérations, jusqu’au 17e siècle, avec les dotations en capital de leurs partenaires.[2]
Plus loin, Dennis écrit :
Les canonistes catholiques ne s’opposèrent pas aux profits sur les opérations commerciales, à la location de terres ou aux ventes des produits de la terre. Mais ils s’opposèrent aux intérêts perçus sur les prêts monétaires. Durant la Réforme, l’intérêt fut justifié par les protestants pour échapper aux objections des canonistes. L’Église catholique ne changea jamais d’avis sur l’usure, mais elle toléra les prêts sur la base de certaines suppositions. Ce consentement moral, par l’Église catholique, et l’approbation par les commerçants calvinistes finirent par être incorporés dans la loi, dans la pensée et dans le comportement des sociétés modernes.[3]
Les justifications auxquelles Dennis fait référence se trouvent dans plusieurs commentaires de la Bible. Même si les textes de l’Ancien Testament condamnent clairement l’intérêt, cela n’a pas empêché certains érudits, plus tard, d’ignorer ou de déformer le sens de cette interdiction.[4] Par exemple, le Henry’s Concise Commentary commente ainsi le Lévitique 25:37 :
Jusqu’ici, nous devons nous conformer à cette loi; mais on ne peut nous l’imposer lorsque l’argent est emprunté pour acheter des terres, pour faire du commerce ou pour d’autres projets majeurs; car dans ces cas, il est raisonnable que le prêteur partage les profits de celui qui emprunte. Cette loi a clairement été prévue pour les pauvres, à qui prêter sans intérêt est un acte de grande charité.
D’emblée, cette explication est réfutable, car l’intérêt n’a jamais été un système dans lequel le prêteur partage les profits avec l’emprunteur. Si tel était le cas, bien des maux associés à l’intérêt n’existeraient pas. De même, le commentaire biblique de Jameison-Fausset-Brown affirme :
« L’usure est sévèrement condamnée [dans la Bible] (Psaumes 15:5, Ézéchiel 18:8,17), mais on ne doit pas considérer cette interdiction comme applicable à la pratique moderne du commerce, où l’on emprunte et prête à des taux d’intérêt jugés légaux. »
Comment cet acte est-il passé de « sévèrement condamné » à « impossible à appliquer à la pratique moderne du commerce »? Aucune preuve ni aucune logique n’explique un tel bond dans le raisonnement. De même, dans leur commentaire du Deutéronome 23:19-20, Jameison-Fausset-Brown écrivent :
« Lorsque vous prêterez de l'argent, des vivres ou toute autre chose à un compatriote, vous n'exigerez pas d'intérêt de sa part. » Les Israélites vivaient dans une société relativement simple et étaient encouragés à se prêter de l’argent, entre eux, de manière amicale et sans espérer de gain en retour. Mais la situation était différente avec les étrangers qui, impliqués dans des affaires commerciales, empruntaient pour augmenter leur capital. Il était donc raisonnable d’attendre d’eux qu’ils paient des intérêts sur les prêts qui leur étaient consentis. »
Encore une fois, ils n’apportent aucune preuve pour étayer leur explication. (Ils semblent toutefois laisser entendre que les textes sacrés manquent de clarté et ne sont pas formulés correctement. ) En fait, même un célèbre économiste a cherché à expliquer certains passages bibliques. Paul Samuelson écrit, dans son manuel bien connu sur l’économie : « Les passages bibliques s’opposant aux intérêts et à l’usure font clairement référence aux prêts consentis pour la consommation plutôt qu’aux prêts destinés à l’investissement. »[5]
Avec la disparition des objections « scolastiques », le rôle de justifier le paiement d’intérêts fut repris par la science naissante de l’économie. Mais cela s’avéra beaucoup plus difficile que prévu. Haberler avait certainement raison lorsqu’il affirma :
La théorie de l’intérêt a longtemps été le point faible de l’économie. Et l’explication et la détermination des taux d’intérêt continue de faire naître plus de désaccords entre les économistes que toute autre branche de l’économie en général.[6]
En réalité, parmi les économistes, « il n’y a pas une seule théorie de l’intérêt généralement acceptée qui soit en mesure de fournir une explication claire sur l’origine de l’intérêt. »[7]
Footnotes:
[1] Cité dans Qureshi, p. 7.
[2] Cité dans Qureshi, p. 167.
[3]Cité dans Qureshi, p. 167.
[4] Plusieurs fidèles de ces religions aimeraient voir les musulmans les imiter, même si leurs arguments ne sont point raisonnables ou logiques. La quasi totalité des érudits musulmans, à travers le monde, ont jusqu’ici évité d’interpréter de façon aussi légère les versets du Coran et les hadiths.
[5] Paul A. Samuelson, Economics (New York: McGraw-Hill Book Company, 1976), p. 605. Italiques ajoutés.
[6] Haberler, Prosperity and Depression (1st edition), p. 195. Cité de Afzal-ur-Rahman, p. 9.
[7] Afzal-ur-Rahman, p. 9.
L’intérêt et son rôle au sein de l’économie et de la vie en général (partie 5 de 8) : Explications et théories
Description: Les penseurs du passé ont tenté d’expliquer de diverses façons la permissivité par rapport à l’intérêt.
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Le nombre important d’opinions et d’arguments divers cherchant à expliquer la permissivité par rapport à l’intérêt et à justifier ce dernier – de même que les critiques de ces opinions par des économistes connus et respectés[1] – devrait être le signe, pour quiconque ouvre les yeux, qu’il y a quelque chose qui cloche. Dans l’histoire de la pensée économique, on retrouve, entre autres, les théories suivantes pour justifier l’intérêt :
(1) Les théories « sans couleur » (comme les appelle Boehm-Bawerk) : elles furent mises de l’avant par Adam Smith, Ricardo et d’autres économistes de la première heure. Ces théories contiennent plusieurs failles, comme le fait de confondre l’intérêt avec le bénéfice brut sur le capital. De plus, Ricardo fait remonter l’origine de toute la valeur du capital au travail, mais oublie de souligner que jamais ce ne fut le travail qui reçut de paiement pour cette valeur.
(2) Les théories de l’abstinence : ces théories sont apparues à intervalles réguliers. Les économistes comprirent qu’« abstinence » n’est peut-être pas le meilleur terme à utiliser et l’on souvent remplacé par d’autres termes, dont « attente ». Essentiellement, l’intérêt serait le salaire reçu pour avoir « attendu » ou s’être « abstenu » de consommer immédiatement. Cette théorie ne tient pas la route car elle semble dire que les économies ne seraient qu’une fonction de l’intérêt, ce qui est évidemment faux.
(3) Les théories de la productivité : les partisans de cette théorie voient la productivité comme inhérente au capital et l’intérêt comme le simple paiement pour cette productivité. Cette théorie, telle qu’avancée par Say, présume que le capital produit une plus-value, mais il n’existe aucune preuve pour étayer cette affirmation. Tout au plus peut-on concéder qu’une certaine valeur a été créée, qui est un paiement sur capital, mais nul ne peut démontrer qu’une valeur additionnelle a été créée, idée qu’ils utilisent pour justifier l’intérêt. Évidemment, ces théories font totalement abstraction des facteurs monétaires.
(4) Les théories de l’utilisation : « Boehm rejette la validité de l’hypothèse selon laquelle il y aurait, parallèlement à chaque bien de production, une « utilisation » qui serait un bien économique indépendant possédant une valeur indépendante. Il souligne également que « en premier lieu, une utilisation indépendante du capital, cela n’existe tout simplement pas. Par conséquent, elle ne peut avoir de valeur indépendante ni faire naître de surplus. Prétendre qu’une telle utilisation existe revient à créer une fiction injustifiable qui va à l’encontre de tous les faits. »[2]
(5) Les théories de la rémunération : les économistes qui croient à ces théories voient l’intérêt comme une rémunération pour un « travail accompli » par le capitaliste. Soutenue par des économistes anglais, français et allemands, cette façon de voir se passe probablement de commentaire.
(6) Les théories éclectiques (fusion de théories antérieures, telles celles de la productivité et de l’abstinence). Afzal-our-Rahman écrit :
Ce mode de pensée révèle un symptôme d’insatisfaction par rapport à la doctrine de l’intérêt telle que présentée et discutée par les économistes passés et présents. Et, comme il n’y a aucune théorie, sur le sujet, qui soit considérée comme satisfaisante, les gens ont tenté de trouver une combinaison d’éléments tirés de diverses théories afin d’arriver à une solution acceptable au problème.[3]
(7) La théorie moderne de la fructification : c’est Henry George qui développa cette théorie, mais elle n’eut jamais suffisamment d’impact pour que quiconque s’en fasse le défenseur.
(8) Théorie de l’abstinence revue : une autre théorie unique, proposée par Schellwien, qui n’eut aucun impact.
(9) La théorie autrichienne (l’Agio, ou théorie du temps) : c’est celle que Boehm-Bawerk lui-même appuie. Selon cette théorie, l’intérêt naît « d’une différence de valeur entre les biens présents et les biens futurs ». Cassel a critiqué cette théorie en détail, qui se résume à être une théorie fantaisiste de « l’attente ».
(10) Les théories monétaires (celles des fonds empruntables, de la préférence pour la liquidité, la théorie du flux-stock, l’approche de la préférence pour les actifs) : Plus récemment, des économistes ont tenté de souligner l’influence de certains facteurs monétaires sur l’intérêt. Mais en réalité, ils font subtilement passer la question de « pourquoi de l’intérêt doit-il être payé » à « quel devrait être le taux en vigueur ». « Selon Robertson, dans la théorie de la préférence pour la liquidité, l’intérêt est réduit à une simple prime de risque contre les fluctuations incertaines. Cela laisse l’intérêt en suspens, comme dans un vide, où il n’y a de l’intérêt que parce qu’il y a de l’intérêt. »[4] Des critiques similaires ont été faites au sujet des autres théories de ce groupe.
(11) La théorie de l’exploitation : Les économistes socialistes ont toujours considéré l’intérêt comme rien d’autre que de l’exploitation. Rappelons-nous que les pères fondateurs de la théorie capitaliste, Adam Smith et Ricardo, croyaient que la source de toute valeur de capital n’est autre que le labeur. Si cela est vrai, alors tous les paiements devraient être faits au labeur et l’intérêt n’est rien d’autre que de l’exploitation.
Afzar-our-Rahman apporte d’excellentes conclusions sur ces différentes théories de l’intérêt. Il écrit :
Une étude critique du développement historique du phénomène de l’intérêt a démontré que l’intérêt est payé à un facteur de production indépendant, appelé soit « attente », « renvoi à plus tard », « abstinence », « utilisation », etc. Mais toutes ces théories ont échoué à répondre à la question à savoir pourquoi on doit payer de l’intérêt ou à démontrer la pertinence d’un tel système. Certains parlent de la nécessité d’attendre ; d’autres de la nécessité de l’abstinence ou du renvoi à plus tard; mais aucune de ces tentatives d’explication ne répond à la question. Ni la nécessité d’attendre ni le renvoi à plus tard ni l’abstinence, pas plus que l’utilisation ou la productivité du capital ne suffisent à démontrer que l’intérêt est un paiement nécessaire pour l’utilisation du capital dans la production. De plus, ces théories n’expliquent pas non plus de quelle façon un facteur variable peut déterminer un facteur fixe comme le taux d’intérêt. Comment une telle théorie peut-elle être considérée comme valide ou défendable?[5]
Il écrit également :
Les théories monétaires, comme les théories de productivité marginale, n’ont aucunement tenté de répondre à la question : pourquoi devrait-on payer de l’intérêt? Ou pourquoi les gens paient-ils de l’intérêt? Elles ont toutes ignoré cette question et se sont réfugiées dans la théorie de la valeur. Elles avancent que, comme pour le reste, le coût du capital est déterminé par la demande et les réserves d’argent. Mais elles semblent oublier la différence essentielle entre les deux problèmes : la théorie de la valeur est un problème d’échange, tandis que la théorie de l’intérêt est une problème de distribution. Les théories des fonds empruntables et de la préférence pour la liquidité sont des théories de réserves et de demande et elles s’expliquent avec des références aux réserves de fonds empruntables et aux demandes d’argent. Mais elles n’apportent aucune justification à l’intérêt. Même si le capital a droit à une compensation pour sa contribution à la création de richesse, « il ne peut tirer sa part de l’augmentation de la richesse nationale qu’à un degré ne dépassant pas sa contribution. »
Il ne lui est pas permis de partir avec son dû, déterminé d’avance et sans lien avec la réalité de la production. »[6] Selon Boehm Bawerk, l’étude de toutes ces théories « montre le développement de trois types de compréhensions essentiellement divergentes du problème de l’intérêt. » Un groupe, représentant la théorie de la productivité, traite le problème de l’intérêt comme un problème de production. Les défenseurs socialistes des théories de l’exploitation traitent le problème de l’intérêt comme un simple problème de distribution. Enfin, le troisième groupe, composé des défenseurs des théories monétaires, voit dans la théorie de l’intérêt un problème de valeur. Il ne fait aucun doute que tous ces théoriciens, ayant été aveuglés par la magnanimité et l’omniprésence du phénomène de l’intérêt, ont évité de se risquer à répondre à la question – à savoir pourquoi doit-on payer de l’intérêt? Ils ont dépensé toute leur énergie à parler soit de l’attente, soit de l’abstinence, ou encore de la productivité, de la valeur du travail ou de la détermination de la valeur, mais ils n’ont pas dit un mot sur l’origine ou la raison d’être de l’institution de l’intérêt.[7]
Footnotes:
[1] Pratiquement tous les manuels sur l’histoire de la pensée économique fournissent une analyse des justifications de l’intérêt et des critiques à leur endroit. Entre autres références utiles, mentionnons l’ouvrage de Mark Blaug, Economic Theory in Retrospect (Cambridge: Cambridge University Press, 1978). L’ouvrage classique de Boehm-Bawerk, Capital and Interest, est un sévère réquisitoire contre les premières théories sur l’intérêt, bien que sa propre théorie soit loin d’être parfaite. Boehm accuse les premières théories d’être incohérentes et contradictoires et d’être incomplètes, n’expliquant pas pourquoi il doit être payé et quels sont les facteurs qui déterminent ses taux. Voir également Qureshi, pp. 11-39; Afzal-ur-Rahman, pp. 9-48.
[2] Afzal-our-Rahman, p. 23.
[3] Afzal-ur-Rahman, p. 30.
[4] Afzal-ur-Rahman, p. 44.
[5] Afzal-ur-Rahman, pp. 37-38.
[6]Ahmad, The Economics of Islam (cité par Afzal-ur-Rahman)
[7] Afzal-ur-Rahman, pp. 46-47.
L’intérêt et son rôle au sein de l’économie et de la vie en général (partie 6 de 8) : Les maux liés à l’intérêt I
Description: Les différentes façons par lesquelles l’intérêt a nui à la société.
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Les maux liés à l’intérêt
Les économistes peuvent bien tenter de justifier l’intérêt de mille et une façons, le véritable test consiste à étudier les effets de l’intérêt. Il est important de souligner que lorsqu’une chose est interdite par Dieu, cela ne signifie pas qu’il n’y a absolument rien de bon dans cette chose. En effet, il est possible de trouver certains bénéfices aux choses interdites. Par exemple, dans le Coran, Dieu parle ainsi de l’alcool :
« Ils t’interrogent sur les boissons alcoolisées et les jeux de hasard. Dis : « Dans les deux, il y a un grand péché et quelques avantages pour les gens ; mais dans les deux, le péché est plus grand que le profit qu’on en tire. » (Coran 2:219)
Donc, le point essentiel n’est pas de déterminer s’il se trouve quelque bienfait dans une chose, mais plutôt si le mal qui lui est associé l’emporte sur son ou ses bienfaits. Par conséquent, même si les économistes justifient l’intérêt par quelque bienfait, ce bienfait ne sera jamais plus important que les torts causés par l’intérêt, ce dont nous discuterons ci-dessous.
Même si l’intérêt est considéré comme une forme de paiement à un facteur de production, il possède certaines caractéristiques uniques qui le distinguent des paiements versés à tous les autres facteurs de production. De par sa nature unique, il mène à des résultats parfois troublants.
Premièrement, l’intérêt entraîne une distribution inéquitable de revenus. Prenons pour exemple trois personnes. Supposons que ces trois personnes dépensent tout leur salaire dans une année, mais que la première commence l’année avec 1000$ d’économies, la deuxième avec 100$ d’économies et la troisième sans économies. À un taux d’intérêt de 10% par an, à la fin de l’année, la première personne possédera 1100$, la deuxième 110$, et la troisième n’aura toujours pas d’économies. Si le même scénario se poursuit l’année suivante, la première personne aura alors 1210$, la deuxième 121$ et la troisième n’aura toujours rien. On comprend déjà comment se fait la distribution, entre eux, année après année. Et si la plus riche des trois personnes arrive à rajouter de l’argent à ses économies, par exemple mille dollars à la fin de chaque année, cette iniquité grandira encore plus. Cette personne aura 1100$ à la fin de la première année, ajoutera 1000$, toujours à 10% d’intérêt, et récoltera 2310$ à la fin de la deuxième année, etc. Ce serait une chose si cet argent provenait d’un facteur de production positif; mais en réalité, on ne peut avancer cet argument, dans ce cas-ci. L’argent que les gens font à travers l’intérêt a peut-être été mal utilisé, perdu ou même volé par les gens qui l’ont emprunté, mais l’intérêt doit tout de même être payé. Il a peut-être été investi dans un mauvais projet et ne produit donc rien du tout. Mais tout cela importe peu dans la mesure où l’intérêt doit être payé de toute façon, que le « facteur de production » ait produit quelque chose ou non. Et cela n’est qu’une seule des caractéristiques uniques de l’argent et des paiements à l’argent. Personne ne peut prétendre qu’une telle chose soit juste, car il n’en résulte qu’une distribution d’argent inéquitable.
De plus, la distribution de revenus devient de plus en plus biaisée avec le temps. Pensons aux individus qui investissent des millions, tandis que d’autres n’investissent que des milliers ou des centaines. La disparité entre leurs revenus d’intérêts sera importante et l’écart grandira chaque année. En d’autres termes, cela mènera à une situation où le riche continuera de s’enrichir, tandis que le pauvre restera pauvre. Soulignons que ceux qui sont endettés et qui paient des intérêts augmentant chaque année n’ont pas été inclus dans cette équation. Dans leur cas, comme les intérêts continuent d’augmenter, une part de plus en plus élevée de leur salaire est dévorée par l’intérêt, creusant l’écart dans la distribution de revenus.
Certains demanderont si une distribution de revenus inéquitable devrait être considérée comme un problème majeur. Mis à part les effets psychologiques sur les pauvres, qui subissent les campagnes publicitaires mettant l’accent sur le confort matériel et la nécessité de consommer, cela a bel et bien des effets sur l’ensemble du marché. Dans une économie de marché, la production s’adresse tout particulièrement à ceux qui ont de l’argent, indépendamment du fait que les biens achetés soient nécessaires ou non à la société. Si les riches exigent et désirent payer plus pour des véhicules utilitaires sportifs et autres véhicules énergivores, ceux-ci seront produits et ce, malgré les protestations des défenseurs de l’environnement. Et, au fur et à mesure que la distribution des revenus devient de plus en plus biaisée, de plus en plus de ressources sont consacrées aux demandes des classes supérieures. Comme les ressources sont en quelque sorte « fixes », cela signifie que de moins en moins seront consacrées aux besoins des classes plus pauvres. De plus, les ressources moindres consacrées aux biens consommés par les pauvres réduisent les stocks et font augmenter les prix de ces biens, aggravant la situation économique des pauvres. Par exemple, il existe de nombreuses cliniques médicales destinées aux riches (qui peuvent se permettre les traitements offerts), même si elles sont loin d’être nécessaires (comme les cliniques de chirurgie esthétique, entre autres). Parallèlement, le pauvre arrive difficilement à trouver une clinique pouvant prendre soin de lui et répondant à ses besoins de base. S’il avait les moyens de payer plus pour ces services essentiels, dans une économie de marché, il y aurait plus de cliniques de ce genre, plus de ressources consacrées aux services essentiels et des prix moins élevés, à plus ou moins moyen terme. (De plus, cette distribution biaisée a des effets non négligeables sur la santé de la démocratie. Mais tel n’est pas le sujet du présent article.)
Par ailleurs, le fardeau de l’intérêt, sur les pauvres qui se retrouvent endettés, les place dans une situation où ils ne peuvent plus avancer, socialement et économiquement, creusant, encore une fois, l’écart entre les riches et les pauvres. L’endettement est en lui-même une situation difficile à vivre pour tout individu. Et l’intérêt dû sur les dettes fait de celles-ci une cible en constant mouvement dont l’individu n’arrive tout simplement pas à suivre le rythme. Encore une fois, il s’agit d’un faux facteur de production, qui n’existe que pour permettre aux riches de s’enrichir davantage tout en plaçant un insupportable fardeau sur les pauvres qui sont endettés. Les lecteurs savent tous à quel point les États-Unis, pourtant le pays le plus riche de la planète, sont devenus une nation endettée. Et cet endettement n’affecte pas que les classes pauvres, mais la classe moyenne également. Certains individus ne semblent pas réaliser que s’ils persistent à ne payer que le montant mensuel minimal, sur leur carte de crédit, ils n’arriveront jamais à tout rembourser.[1] Et bien entendu, ce sont les plus pauvres qui sont les plus touchés. En fait, le système est entièrement contre eux, car plus un individu est pauvre, pire est sa cote de crédit et plus élevés seront les taux d’intérêt qu’il sera forcé de payer.
Le document de Mirza Shahjahan intitulé Income, Debt and the Quest for Rich America: The Economic Tale of Small and Mid-Sized US Cities (Revenus, dettes et la quête de l’Amérique riche : le récit économique de petites et moyennes villes américaines) est une étude sur la façon dont les dettes et le fardeau des intérêts, qui y est associé, ont affligé une grande partie de « l’Amérique moyenne ».[2] La détresse des petits fermiers forcés d’emprunter à cause de la chute des prix de leurs produits est bien documentée. Nombre d’entre eux ont été obligés de donner en gage leurs précieux avoirs ou bien ont perdu leur ferme, qui appartenait à leur famille depuis des générations, parce qu’ils n’arrivaient plus à payer les intérêts sur leurs dettes. Shahjahan a découvert que certains pauvres dépensent jusqu’à 15% de leur revenu annuel en intérêts seulement (la plupart dépensant entre 8% et 12%). Et cela, sans compter les appels répétés et les menaces des créditeurs que le pauvre doit endurer. Dans sa conclusion, Shahjahan écrit :
Le fardeau économique et le fardeau réel de l’endettement font en sorte que de nombreux débiteurs se retrouvent à payer leurs dettes toute leur vie durant. La dette moyenne des ménages pour la période de 1990 à 1993 était de 32 493$, ce qui équivalait à presque 100% de leur revenu annuel. Notre estimation de la dette moyenne des ménages per capita, pour la même période, est de 12 571$. Une dette d’un tel montant, combinée à un emploi précaire et à un faible revenu est souvent source de dépression et a des répercussions psychologiques non négligeables.
Les paiements d’intérêts de certains ménages excèdent 15% de leur revenu total. Ces intérêts élevés grugent de façon significative le revenu de ces ménages.
La plupart des ménages – des millions, en fait – dans certaines villes moyennes des États-Unis peinent quotidiennement à combler leurs besoins de base. Des centaines de milliers d’entre eux n’arrivent pas à offrir une vie décente à leur famille ni à offrir à leurs enfants une éducation supérieure. Ils sont endettés et, pour la majorité, meurent endettés. À cause de cette situation, ils ont l’impression de ne pas du tout profiter de la vie...
Ces ménages sont pris dans une servitude économique où toutes les routes d’évasion sont bloquées par les autorités institutionnelles. Acquérir des compétences ou faire des études supérieures pourraient les aider à s’en sortir; mais les études supérieures sont très onéreuses et bien au-dessus des moyens des ménages de ces villes. Les personnes faisant partie de ces ménages ont peu d’occasions de se perfectionner et arrivent rarement à obtenir les postes qu’elles rêvent d’occuper. Telle est la nature de la détresse dans laquelle se trouvent les familles de la classe ouvrière dans les petites et moyennes villes de notre pays.[3]
Footnotes:
[1] Shahjahan souligne : « La plupart des ménages ne sont pas vraiment conscients du degré d’érosion de leur revenu, qui résulte des paiements d’intérêts sur leurs dettes. » Mirza Shahjahan, Income, Debt and the Quest for Rich America: The Economic Tale of Small and Mid-Sized US Cities (Beltsville, MD: Writers’ Inc. International, 2000), p. 103.
[2] Shahjahan, passim.
[3] Shahjahan, pp. 224-236.
L’intérêt et son rôle au sein de l’économie et de la vie en général (partie 7 de 8) : Les maux liés à l’intérêt II
Description: Les différentes façons par lesquelles l’intérêt a nui à la société. Partie 2 : les maux dévastateurs de l’intérêt au niveau international.
- par Jamaal al-Din Zarabozo (© 2011 IslamReligion.com)
- Publié le 07 Mar 2011
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Au niveau international, la situation est encore plus dangereuse et dévastatrice. Considéré d’un point de vue international, il ne fait aucun doute que l’intérêt tue des gens. Le service de la dette des pays sous-développés est si important qu’ils n’ont d’autre choix que de sacrifier des services essentiels aux niveaux de la santé et de la nutrition. Il est stupéfiant de penser qu’un nombre incalculable d’enfants meurent chaque jour, dans ces pays, à cause d’un « outil » du capitalisme moderne : l’intérêt. Certains gouvernements africains sont forcés de dépenser plus pour le service de la dette que pour la santé et l’éducation.[1]
Dans ce contexte, le Programme des Nations Unies pour de développement (PNUD) a prédit, en 1998, que si la dette extérieure des 20 pays les plus pauvres de la planète était effacée, cela sauverait la vie de 20 millions de personnes avant l’an 2000. Autrement dit, cette dette, qui n’a finalement pas été annulée, a été responsable de la mort de 130 000 enfants par semaine, entre 1998 et 2000.[2]
Ken Livingston, maire de Londres, a déjà affirmé que le capitalisme global tue plus de gens, chaque année, qu’Adolf Hitler en tua au cours de son règne. Il a d’ailleurs blâmé le FMI et la Banque Mondiale pour la mort de millions de personnes à cause de leur refus d’alléger la dette des pays sous-développés. Susan George, écrivaine et militante altermondialiste, a affirmé, quant à elle, que chaque année, depuis 1981, entre 15 et 20 millions de personnes sont mortes à cause du fardeau de la dette, « parce que les gouvernements des pays du Tiers-Monde ont dû couper dans les ressources pour l’eau potable et dans les programmes de santé pour arriver à respecter leurs paiements. »[3]
La dette, à laquelle sont ajoutés des intérêts de plus en plus élevés, est dangereuse pour n’importe quelle nation, car elle signifie une perte de souveraineté et de contrôle.[4] Et cette conséquence n’est pas du tout le fruit du hasard. Les pays sous-développés – et plus particulièrement leurs élites et leurs dirigeants corrompus – ne sont pas sans reproches au sujet de la dette qu’ils ont accumulée. Mais, parallèlement, s’ils n’empruntaient pas, ils subiraient de la pression pour le faire. Catherine Caufield écrit :
« C’est ainsi qu’il en est avec la Banque Mondiale : les opérations de refinancement équivalent de plus en plus au total du prêt. Avec pour résultat une accumulation de dettes par les emprunteurs de la Banque, et une perte graduelle de souveraineté. Aucun créditeur n’est prêt à refinancer sans cesse s’il ne possède pas un certain contrôle sur la façon dont le débiteur mène ses affaires. À une autre époque, les grandes puissances n’hésitaient pas à user de la force militaire pour faire plier les débiteurs récalcitrants. Dans son essai classique intitulé « Public Debts » (Dettes publiques), publié en 1887, l’économiste américain Henry Carter Adams écrit que « l’octroi de crédits étrangers est le premier pas vers l’établissement d’une politique étrangère agressive et, dans certaines circonstances, cela mène inévitablement à la conquête et à l’occupation. »
L’approche de la Banque envers ses débiteurs n’est pas aussi directe. Plutôt que d’envoyer les Marines, elle offre des services-conseils aux pays pour leur apprendre à gérer leurs finances, légiférer, fournir des services à leur peuple et faire face au marché international. Elle possède un grand pouvoir de persuasion, puisqu’il existe une conviction universelle voulant que si la Banque décide d’ostraciser un emprunteur, tous les autres grands pouvoirs nationaux et internationaux suivront son exemple. C’est ainsi qu’en consentant des prêts excessifs, la Banque s’est assuré un surplus de pouvoir tout en réduisant celui de ses emprunteurs.[5]
Le célèbre ouvrage de John Perkin, intitulé Confessions of an Economic Hit Man (Confessions d’un tueur à gages économique)[6] , discute en détail d’intrigues économiques contemporaines. Décrivant son travail d’évaluateur de projets, il écrit :
L’aspect tacite de chacun de ces projets était qu’ils étaient conçus de façon à rapporter d’importants profits aux contracteurs et à satisfaire une poignée de familles riches et influentes dans les pays accueillant le projet, tout en s’assurant de créer une dépendance financière à long terme se traduisant par une loyauté politique de divers gouvernements à travers le monde. Plus important était le prêt, mieux c’était. Le fait que le fardeau de la dette, sur ces pays, allait priver leurs citoyens pauvres de services de santé, d’éducation et de divers services sociaux durant des décennies n’était jamais pris en considération.[7]
Perkin a fait suivre son ouvrage de deux autres titres : A Game as Old as Empire: The Secret World of Economic Hit Men (Un jeu aussi vieux que l’Empire : le Monde secret des tueurs à gages économiques) et The Web of Global Corruption (La Toile de la corruption globale), édités par Steven Hiatt.[8]
Hiatt écrit :
Les dettes gardent les pays du Tiers-Monde sous contrôle. Comme ils dépendent de l’aide, du rééchelonnement et des renversements de la dette pour survivre – sans pouvoir même penser à développer – ils ont été forcés de restructurer leur économie et de réécrire leurs lois pour répondre aux exigences établies par les programmes d’ajustements structurels du FMI et les conditionnalités de la Banque Mondiale.[9]
L’endettement actuel, combiné au rôle majeur que joue l’intérêt, est potentiellement dévastateur pour l’humanité entière. Dans Global Trends 2015, la CIA reconnaît que :
Le flot montant de l’économie globale va créer de nombreux gagnants économiques, mais il ne soulèvera pas tous les navires. Il engendrera des conflits chez nous et à l’étranger, creusant un écart encore plus important que celui d’aujourd’hui entre les gagnants et les perdants régionaux. L’évolution [de la globalisation] sera difficile, marquée par une volatilité financière chronique et une division économique s’élargissant de plus en plus. Les régions, pays et groupes se sentant laissés pour compte devront faire face à une stagnation économique, une instabilité politique et une aliénation culturelle de plus en plus profondes, ce qui encouragera des extrémismes de toutes sortes, politiques, ethniques, idéologiques et religieux, de même que la violence qui les accompagne souvent.[10]
Dans son ouvrage intitulé The Debt Threat: How debt is destroying the developing world… and threatening us all (La menace de la dette : comment la dette détruit le monde en développement... et nous menace tous), Noreena Hertz décrit plusieurs des dangers que représentent les dettes écrasantes – et qui, encore une fois, ne seraient pas aussi écrasantes sans l’ajout constant d’intérêts – pour le monde d’aujourd’hui. Elle décrit les dangers de l’extrémisme, du terrorisme, de la baisse des ressources naturelles mondiales, etc. Elle écrit, entre autres :
Les conséquences hideuses de l’endettement – pauvreté, inégalité et injustice – sont souvent utilisées pour justifier, et même légitimiser, des actes de grande violence. À peine quelques semaines après les attaques contre le World Trade Center, un éminent journaliste africain, Michael Fortin, a écrit : « Nous devons reconnaître que ce déplorable acte d’agression a peut-être été, du moins en partie, un acte de vengeance de la part de gens humiliés et désespérés, écrasés par le poids de l’oppression économique de la part des nations de l’Occident. » Les termes employés par Fortin – « écrasés », « oppression », « humiliés », « désespérés » – sont délibérément évocateurs. Et il est clair qu’il existe un auditoire pour qui ces mots font puissamment vibrer une corde sensible.[11]
Il existe d’autres maux liés à l’intérêt dont nous pourrions discuter, ici, mais ce qui précède suffit à remplir le but de cet article.
Footnotes:
[1] Cf., Noreena Hertz. The Debt Threat (New York: HarperBusiness, 2004), p. 3.
[2] Ali Mohammadi et Muhammad Ahsan, Globalisation or Reconolisation? The Muslim World in the 21st Century (London: Ta-Ha Publishers, Ltd. 2002), p. 38.
[3] Mohammadi et Muhammad Ahsan, p. 43.
[4] Encore une fois, la simple annulation de l’intérêt, sur ces dettes, suffirait à améliorer la situation des pays les plus pauvres. La somme d’intérêts payée par ces pays est astronomique. Caufield souligne : « En 1978, un quart de tout l’argent emprunté par les pays du Tiers Monde ne faisant pas partie de l’OPEP était utilisé pour payer les intérêts sur leurs dettes. La situation était particulièrement difficile en Amérique latine, où les emprunts doublèrent entre 1976 et 1982 et où 70% des nouveaux prêts consentis durant cette période étaient utilisés pour payer les intérêts sur d’anciennes dettes... En 1982, la situation était devenue carrément absurde. L’Amérique latine devait des centaines de milliards de dollars par année et dépensait tout ce qu’elle avait – et plus – pour arriver à être à jour avec les paiements dus sur les dettes déjà contractées. » Catherine Caufield, Masters of Illusion: The World Bank and the Poverty of Nations (London, England: Pan Books, 1996), p. 137.
Même quand une « réduction de dette » est accordée, les paiements sont reportés, mais on exige que des intérêts continuent d’être ajoutés. Selon Gwynne, « même si les banques permettent à un pays comme la Pologne de rééchelonner sa dette – lui permettant, par exemple, de rembourser sur vingt ans plutôt que dix – les paiements d’intérêts, eux, doivent continuer d’être honorés. Et ce sont les intérêts qui consolident le résultat net des relevés de pertes et profits d’une banque. » S. C. Gwynne, “Selling Money-and Dependency: Setting the Debt Trap,” in Steven Hiatt, ed. A Game as Old as Empire: The Secret World of Economic Hit Men and the Web of Global Corruption (San Francisco: Berrett-Koehler Publishers, Inc., 2007), p. 35. Payer avait remarqué ce phénomène dès 1974, mais jamais rien ne fut fait pour le corriger. Voir Cheryl Payer, The Debt Trap: The International Monetary Fund and the Third World (New York: Monthly Review Press, 1974), p 46.
[5] Caufield, p. 336
[6] John Perkins, Confessions of an Economic Hit Man (San Francisco: Berrett-Koehler Publishers Inc., 2004), passim.
[7] Perkins, p. 15.
[8] Steven Hiatt, ed. A Game as Old as Empire: The Secret World of Economic Hit Men and the Web of Global Corruption (San Francisco: Berrett-Koehler Publishers, Inc., 2007)
[9] Hiatt, p. 23.
[10] Hertz, p. 156.
[11] Hertz, p. 161.
L’intérêt et son rôle au sein de l’économie et de la vie en général (partie 8 de 8) : La solution islamique
Description: Une alternative islamique au système d’intérêt et comment l’économie peut continuer de se développer sans intérêt.
- par Jamaal al-Din Zarabozo (© 2011 IslamReligion.com)
- Publié le 07 Mar 2011
- Dernière mise à jour le 07 Mar 2011
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La solution islamique
La solution islamique au problème de l’intérêt repose sur deux principes de base :
(1) Si un individu souhaite prêter de l’argent à quelqu’un pour l’aider, cet acte doit être fondé sur des principes de fraternité et il est totalement inacceptable de charger de l’intérêt sur un tel prêt. Car ce n’est pas aider quelqu’un que de l’entraîner dans un cycle d’endettement où il devra payer plus qu’il n’a emprunté. Ce même principe s’applique aux relations islamiques internationales. Si cet important principe était appliqué, de nos jours, des pays aideraient réellement d’autres pays, plutôt que de les entraîner dans une situation de dépendance et d’endettement lourd.
(2) Si un individu souhaite utiliser son argent pour faire plus d’argent, alors il doit être disposé à exposer son argent au risque. En d’autres termes, il n’a pas le droit de s’assurer un revenu fixe (dont le montant continue d’augmenter avec le temps) sans égard aux résultats de l’investissement pour lequel son argent est utilisé. S’il expose son argent au risque, il a alors droit à une part des profits. Mais cela signifie qu’il doit aussi accepter les pertes, si elles surviennent. Voilà un système basé sur la justice, auquel il y a de nombreux bénéfices. Celui qui investit se préoccupe des résultats de son investissement et ne peut exiger son dû sans égard à la situation du débiteur.
La solution islamique est applicable tant aux individus qu’à la société en général. Les banques servent essentiellement d’intermédiaires. Elles prennent l’argent déposé chez elles et le prêtent à ceux qui ont besoin d’argent pour investir. Et pour qu’un tel système fonctionne, nul besoin d’intérêt. La banque et ses déposants (actionnaires) investissent leurs avoirs plutôt que de simplement les prêter. L’argent est exposé au risque et le rendement, aux actionnaires, sera basé sur la somme des profits obtenus par les investissements. Dans des circonstances normales de croissance économique, et si la banque est assez importante et possède un portefeuille bien diversifié, elle peut pratiquement s’assurer un rendement positif. Ainsi, ceux qui auront investi leur argent dans cette banque recevront eux aussi un rendement positif sur leur argent, mais sans qu’il n’ait été « garanti » ou fixé d’avance.
De nombreuses institutions financières islamiques sont établies, de nos jours, à travers le monde. Elles ont été fondées sans système d’intérêt et certaines d’entre elles sont devenues très prospères.[1]
Conclusion
Dans l’ensemble, la « civilisation moderne » a décidé de tourner le dos aux lois divines (surtout à cause de l’expérience de l’Occident avec le christianisme) et a tenté de bâtir ses propres systèmes économiques et politiques, ses propres lois internationales, etc. Ce faisant, elle s’est attaquée à quelque chose de trop grand pour elle. Les sciences sociales sont bien différentes des sciences physiques. Il n’existe pas de laboratoires dans lesquels on peut enfermer des êtres humains pour déterminer quels seront les meilleurs résultats sous divers scénarios (et même si c’était possible, ce serait présumer que les êtres humains réagissent toujours de la même façon dans les mêmes circonstances).
Dans le domaine de l’économie, la première chose qui vient à l’esprit est l’échec du socialisme et du communisme. Il serait bon, pourtant, de regarder le capitalisme de plus près afin de déterminer à quel point il est éloigné, en réalité, de ce qu’il était censé être, au départ. Les premiers théoriciens capitalistes imaginaient un système menant « au meilleur des mondes ». Mais leurs théories étaient fondées sur des hypothèses qui ne se réalisèrent jamais et qui n’ont aucune chance de se réaliser. Ils s’imaginaient une compétition parfaite, un parfait savoir, le libre-échange, etc, qui n’eurent jamais lieu et qui cédèrent leur place à une réalité ne menant certainement pas au « meilleur des mondes », mais à un monde d’exploitation où les riches s’enrichissent constamment et où les pauvres s’appauvrissent désespérément. Et l’une des forces motrices derrière ce système est l’institutionnalisation de l’intérêt.
Dieu a béni les êtres humains en leur révélant le Coran, un livre qui sert de guide à l’humanité et qui fut minutieusement préservé depuis sa révélation. Ce livre contient tout ce dont l’humanité a besoin pour mener une vie remplie de succès, à la fois dans ce monde et dans l’au-delà. Il n’est donc pas étonnant que ce livre interdit et condamne aussi vigoureusement l’intérêt.
Footnotes:
[1] Pour plus de détails sur de telles institutions, voir El-Gousi, pp. 199-247; Frank E. Vogel and Samuel L. Hayes III, Islamic Law and Finance: Religion, Risk, and Return (The Hague: Kluwer Law International, 1998), pp. 181-295.
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